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Quelque chose en nous de Michel Berger

Quelque chose en nous de Michel Berger

Titel: Quelque chose en nous de Michel Berger
Autoren: Yves Bigot
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sans plus. « Michel venait, sans France, à la Colombe d’Or, à Saint-Paul-deVence, déjeuner avec son père qui y séjournait, se souvient Yves Simon, habitué des lieux. On prenait un verre tous les deux, Michel et moi, en l’attendant. J’ai toujours été frappé par sa retenue, sa réserve, son côté corseté, tellement protestant. » Les Hamburger père et fils se fréquenteront sporadiquement jusqu’à la disparition du professeur, quelques mois seulement avant celle de Michel, le 1 er février 1992. La lecture du testament lui causera pourtant un ultime traumatisme : sa première femme, ses deux enfants survivants n’y sont pas mentionnés. Il les déshérite tout simplement, tout en connaissant l’illégalité de son acte. Quel sens donner à cette brutalité ? Après la disparition de sa seconde épouse, Catherine, Franka Berger, comme s’appelle désormais Françoise Hamburger, dernière survivante de la famille nucléaire, pourra finalement pénétrer dans l’appartement paternel, pour y découvrir, dans un placard, une valise contenant la totalité des courriers que Annette lui avait destinés, lettres décachetées, ouvertes, et clairement lues et relues, sans pour autant avoir reçu la moindre réponse, le moindre signe. Dans le mémoire généalogique qu’elle a rédigé à l’intention de ses petits-enfants, Annette Haas conclut : « Je n’ai jamais compris, je n’ai jamais reçu la moindre explication. »

    Au cœur des années cinquante, après ce tsunami affectif, la famille se ressoude tant bien que mal et se resserre solidairement, extrêmement fort, autour d’Annette Haas, au 28-30-32, boulevard de Courcelles,grand immeuble cossu aux briques apparentes avec vue sur le parc Monceau, à l’angle du boulevard Malesherbes, avec sa gouvernante, sa cuisinière et ses deux pianos encastrés. Michel découvre que le Père Noël n’existe pas vraiment à l’occasion d’une fête organisée par une amie de la famille, qui réunit une vingtaine d’enfants dans son salon, et déguise Franka avec une barbe et une houppelande rouge et blanche. Mais oublie les chaussures, que Michel repère immédiatement, se ruant sur sa sœur en hurlant « C’est Franka ! », et lui arrachant sa barbe. Fiasco complet : ni père, ni Père Noël !
    Annette s’évertue à égayer sa tribu en embarquant sa progéniture et les copains dans sa petite Renault pour des week-ends à la campagne, mais c’est un autre événement, d’une nature tout à fait différente, qui va saisir le jeune Michel quelques années après cette trahison familiale. La découverte de Ray Charles, du pouvoir rédempteur de la soul et du rhythm’n’blues le plus enflammé, à travers « What’d I Say », pure improvisation irrésistiblement dansante mimant le son du coït en mêlant boogie-woogie et gospel, piano électrique et de concert, échanges de répons grognés incendiaires entre le Genius du r’n’b, ses Raeletts et une section de cuivres extraordinaire emmenée par David « Fathead » Newman. Le 45 tours à la pochette rouge et blanche, d’où menacent les grosses lunettes noires de Brother Ray, le galvanise.
    « À l’époque, je passais des heures à écouter “What’d I Say” et il s’avérait que c’était vraiment plus intéressant et swinguant que Beethoven ou Mozart. Je n’ai plus jamais relu une note de musique. Tout le monde me croit sorti du Conservatoire et personne ne veut en démordre. Mes connaissances du solfège, de l’harmonie, de l’orchestration, sont tout à fait autodidactes. »
    Tous les soirs, à dix-sept heures, l’austère etrébarbatif professeur de piano qui lui est alloué entre en compétition avec « Salut les copains », l’émission d’Europe 1 qui diffuse à partir d’octobre 1959 la nouvelle musique américaine, du rhythm’n’blues au rockabilly, ainsi que ses imitations locales, chantées par Danyel Gérard, Claude Piron et Richard Anthony, puis, très vite, Johnny Hallyday. On ne peut trouver meilleure rébellion contre le père que ce rock’n’roll libérateur. Pete Townshend, qui ausculte « My Generation » comme personne depuis un demi-siècle, explique le gouffre que représente le fameux Generation Gap : « La première manifestation en a été celle de ces gamins nés en 1945, qui, arrivés à seize ans, ont décidé d’aborder l’âge adulte à travers une sémiologie – un ensemble de sens et de signes – complètement différente. Ils ont grandi
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