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Pour les plaisirs du Roi

Pour les plaisirs du Roi

Titel: Pour les plaisirs du Roi
Autoren: Philippe Hugon
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recouvraient le corps jusqu'à la base du cou, engendrant de fortes démangeaisons, des saignements, puis des croûtes suintantes. Lors des crises, elles se réfugiaient pendant plusieurs jours dans leur chambre, volets clos, et n'acceptaient aucune autre visite que celle de notre mère. Rien n'y faisait et tous les traitements engagés échouèrent à éradiquer le mal. Elles apprirent à vivre avec cette malédiction, mais en conçurent un tempérament maussade et querelleur, agrémenté, il faut l'avouer, d'une certaine disposition naturelle à la malveillance. Très tôt, elles cultivèrent la médiocre manie de médire de tout ce qu'elles ne comprenaient pas. Et, en la matière, leur ignorance était encyclopédique. Arrivées en âge de songer à prendre un époux, les deux revêches découragèrent les trois ou quatre prétendants qui se risquèrent au logis pour faire leur cour. Sans dot honorable, compte tenu de la modestie des moyens de mon père, Bischi et Chon se firent ainsi une religion de n'être pas un bon parti, ce qui n'améliora pas un caractère déjà fort acariâtre.
     
    En ce début de mes Mémoires, vous trouverez peut-être ma plume âpre lorsqu'il s'agit d'évoquer le monde qui m'entourait alors, mais la suite de l'histoire de ma vie vous démontrera que les portraits que je viens de vous brosser puisent leur inspiration aux sources de la vérité. Vous en faut-il un premier exemple ? Je vous le livre sans fard afin de mieux vous convaincre que je n'affecte pas de faire un genre de la critique de mes proches. Jugez plutôt. Cela se passa le jour de mon mariage lors duquel mes frères et sœurs donnèrent de lamentables témoignages de leur hostilité à mon égard.
    Ce jour de l'automne 1748, – pardonnez ma mémoire défaillante mais je ne me souviens plus de la date exacte ; c'était à la fin du mois de novembre, je crois –, je devais convoler avec Ursule Catherine Dalmas de Vernongrèze après presque deux années de longues tractations entre mon père et le sien. D'une lignée honorable, quoique moins ancienne que la nôtre, elle avait l'avantage d'apporter une dot en numéraire, ce qui, espérions-nous, allait soulager pour quelque temps les comptes de notre domaine. Évidemment, je n'avais pas eu à choisir, mais ma future femme n'était pas d'un commerce désagréable. Plutôt jolie, dotée de belles proportions, elle manquait certes de conversation, mais j'avoue qu'elle ne me déplut pas. Après les présentations d'usage, je lui fis une cour dont les témoins de l'époque reconnaîtront qu'elle fut des plus assidues et également, je le souligne, des plus honnêtes. Elle y répondit d'abord avec placidité, mais la faconde que vous me connaissez finit par mollement la convaincre que nous étions faits l'un pour l'autre. Moi-même, je m'abandonnais sans trop de peine à cette idylle tiède. Jeune et sans ambitions particulières, j'allai donc à l'autel sans rechigner, sans compter que cette union devait signer le début de mon émancipation. Mon père étant toujours en vie, il restait le maître du domaine, mais j'accédais avec ce mariage à une position plus avantageuse au sein de la famille. Héritier direct, puisque l'aîné, je devenais le second chef de famille en quelque sorte. C'est sûrement cette perspective qui aggrava encore plus, si cela était possible, les rapports avec mon frère.
    Déjà, lors de mes fiançailles, il avait donné des signes ostensibles de sa mauvaise humeur en prétextant être alité afin de ne pas assister à la cérémonie. Le jour de mon mariage, il ne put se défiler, mon père ayant résolu qu'il serait mon témoin, pensant faire œuvre de réconciliation. Là encore, le brave homme démontra son peu de discernement. Sa décision redoubla la colère sourde de mon frère, d'autant que mes parents, d'ordinaire si peu dispendieux, avaient décidé de donner à cet événement un lustre particulier. Avec la famille de mon épouse, les proches, amis et alliés, pas moins d'une centaine de personnes fut invitée à Lévignac. À ma connaissance, on n'a jamais revu autant de monde dans notre demeure depuis – même pour les funérailles de mon père. Ce mariage était hors de proportion avec nos moyens, ne se priva pas de faire remarquer Guillaume. La veille même de la cérémonie, il s'emporta vivement contre ma mère, arguant que cette union à laquelle la pauvre femme s'était tant consacrée grèverait pour toujours les finances du
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