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Pour les plaisirs du Roi

Pour les plaisirs du Roi

Titel: Pour les plaisirs du Roi
Autoren: Philippe Hugon
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bibliothèque.
    — Jeune puceau, gardez votre culotte, je vous dispense de la comparaison avec votre modeste anatomie, dit-elle en quittant la pièce d'un pas de reine.
    Je restai sans voix. Car si avant d'entrevoir l'intimité de ma cousine j'avais déjà pu me faire une vague connaissance du mystère féminin, mon astuce venait de me révéler la face cachée de l'univers. Je dois ajouter que, curieusement, un pied de l'auguste fauteuil de mon père rendit l'âme peu de temps après cet épisode.
    Deux années plus tard, j'eus l'occasion de poursuivre mon débat académique avec ma cousine, mais cette fois dans le cadre de travaux pratiques qui lui permirent de vérifier que ma « modeste anatomie » s'était étoffée. Entre-temps, la sœur du fils de la cuisinière m'avait illustré mieux que son frère l'antagonisme des sexes. L'expérience fut douloureuse mais me transforma en homme.
     
    À la lecture de ces quelques anecdotes, vous l'aurez compris, honnête lecteur, je me découvris très tôt une réelle curiosité pour la société des femmes. Un intérêt que je pense bien naturel, mais qui avait le don d'exaspérer quelques-uns des témoins de cette précoce appétence. Sur ce sujet comme sur bien d'autres, mon frère Guillaume n'a d'ailleurs jamais caché son irritation, soit qu'il fût jaloux de mes succès – d'une mine renfrognée, il n'avait pas hérité de ma taille et souffrait d'une propension à l'embonpoint –, soit qu'il m'enviât une audace dont il était, lui, totalement dépourvu. Né le second mâle, il semble qu'il ait dès le berceau conçu une rage sourde de cette position, comme parfois la nature s'ingénie à loger dans le cœur et l'âme de certains cadets. Pourtant, je le jure, je ne fis jamais rien – à cette époque du moins – pour nourrir son ressentiment. Cette rancune était si puissamment établie en lui que les années n'y changèrent rien. Au contraire, au lieu de l'apaiser dans une intimité toute fraternelle, elles la renforcèrent. Entre nous, ce n'était que discordes et fâcheries. Mais pas de celles, pures et sincères, qui se nourrissent de l'innocente rivalité de deux frères jeunes et vigoureux, et qui au temps de la maturité font le sel des souvenirs de l'enfance. Non, nos disputes étaient de fiel et répandaient leur aigreur dans toute la maisonnée. Ma mère s'en inquiéta souvent, tandis que mon père, indécrotablement débonnaire, estimait qu'il n'y avait rien là qui prêtât motif à intervenir. Même lorsque l'un ou l'autre dépassait positivement les bornes. Je peux d'ailleurs affirmer que si nous n'avions été unis par les liens du sang, très tôt il n'aurait pas hésité à ourdir contre moi quelque complot pour me faire disparaître d'une scène terrestre où il a toujours estimé que je lui portais ombrage. À ce propos, je me souviens d'un incident lors d'une partie de chasse avec mon père où une balle perdue vint m'érafler la joue. Singulièrement, le projectile continua sa course dans un arbre planté à cinq pas devant moi. Dans mon dos, le fusil de mon jeune frère fumait encore quand nous nous retournâmes avec mon père. Naturellement, Guillaume expliqua à grand renfort d'excuses que le coup était parti tout seul. Il s'en tira avec une molle admonestation paternelle. Depuis, je n'ai plus jamais été à la chasse avec mon frère ; et j'avoue avoir gardé pour les deux une certaine défiance.
    Ce tableau de famille ne serait pas complet si je ne m'attardais quelques instants sur mes deux sœurs, Françoise et Jeanne-Marie, que l'on surnommait Chon et Bischi – une lubie de ma mère qui les suivra leur vie durant. J'ai peu de mémoire de mon enfance avec elles, possiblement parce qu'il n'y a rien à se souvenir. Benjamine de la maison, Chon était née d'un retour de couches de ma mère après la naissance de Guillaume. Douze mois à peine les séparaient, et leurs ressemblances laissaient souvent croire aux étrangers qu'ils étaient de véritables jumeaux. Positivement laide, elle traînait également une maladie de dos qui l'obligeait à souvent se tenir couchée. Quant à Bischi, née entre moi et Guillaume, elle était d'une mine ordinaire et rien ne la signalait particulièrement. J'oubliais : elles avaient toutes les deux hérité d'une mauvaise maladie de peau, apanage de la lignée de ma mère, mais dont les mâles de la famille étaient curieusement épargnés. Régulièrement, des plaques rouges et irritées leur
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