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Montségur et l'enigme cathare

Montségur et l'enigme cathare

Titel: Montségur et l'enigme cathare
Autoren: Jean Markale
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blanches »
pyrénéennes, ce sont les incarnations de l’Hérésie. Ce qu’elles représentent, ce
sont les doctrines hérétiques qui peuvent séduire ceux qui s’aventurent n’importe
où sans se méfier, et surtout sans s’appuyer sur les certitudes officielles, autrement
dit le conformisme. La fable apparaît ici très éloquente, et elle est le
résultat d’une culpabilisation systématique de tout ce qui est marginal.
    Mais, parfois, la situation est inversée : cachée sous
des aspects étranges, l’hérésie, ou tout au moins la pensée marginale, refait surface
et acquiert de nouveaux pouvoirs. De nombreux contes populaires en apparence
très anodins réactualisent d’antiques croyances, témoignant ainsi que la
mémoire populaire n’oublie jamais.
    C’est le cas du conte bien connu de la Belle et la Bête. Selon
les régions, il se pare de différentes couleurs, et les détails varient. Mais
la trame demeure la même. Il s’agit d’une jeune fille qui, par suite d’une
imprudence du père, est remise à une mystérieuse bête douée de certains
pouvoirs surnaturels. Cette jeune fille, pour sauver la vie de son père, doit
épouser la Bête, et ainsi surmonter sa répugnance. Si elle réussit cette
épreuve, elle s’aperçoit un jour que la Bête qu’elle a épousée est en réalité
un très beau prince alors victime d’un sortilège.
    Cependant, tout ne se passe pas toujours ainsi. La jeune
fille peut ne pas surmonter sa répugnance, et la Bête doit encore attendre
longtemps l’acte salvateur qui lui redonnera son aspect d’antan. Ou alors, la
jeune fille transgresse un interdit, posant une question défendue, ou
surprenant la Bête dans son intimité. Alors, la Bête doit s’en aller ailleurs, et
la jeune fille partir à sa recherche, généralement fort loin : et pour
retrouver celui qui lui est destiné, elle devra user trois paires de souliers
ferrés.
    Le symbolisme de cette histoire est simple. La Bête, c’est-à-dire
le Prince soumis au sortilège, est un Ange prisonnier de Satan, un Ange qui, après
la chute, s’est retrouvé dans un corps matériel présenté comme particulièrement
hideux. Le seul espoir que l’Ange peut avoir de recouvrer sa nature première
est de susciter l’amour authentique d’une jeune fille. Nous évoluons en plein
dans une problématique cathare : si le monde est imparfait et voué au Mal,
c’est parce qu’il y manque la Charité, c’est-à-dire l’Amour parfait. En
réintroduisant l’Amour parfait dans ce monde, on écarte le Mal, on libère les
âmes qui y sont prisonnières. L’idée est assez belle, et l’avantage du conte, c’est
de transmettre ce message sans avoir besoin de l’expliquer, sans recourir à des
raisonnements. C’est par de telles images qui s’adressent à la sensibilité et
non à l’intelligence, que l’esprit cathare perdure.
    Un autre conte, universellement répandu lui aussi, témoigne
de la survivance de cet esprit, le conte généralement intitulé « Le corps
sans âme ». On en possède de nombreuses versions, notamment au Pays basque
et en Bretagne armoricaine où le thème est particulièrement bien mis en
évidence.
    Il s’agit d’un personnage monstrueux et dont le comportement
est diabolique. Doué d’un appétit féroce, volontiers anthropophage, il revêt l’aspect
d’un ogre et commet les pires injustices, se faisant notamment livrer chaque
année la plus jolie fille du pays, généralement une princesse. Un jeune homme audacieux,
ou parfois un homme d’âge mûr, décide de vaincre le monstre, et pour ce faire
il commence par s’assurer la complicité de la « femme » du Corps sans âme . Celle-ci prévient l’audacieux qu’il
ne pourra rien tenter contre le monstre parce qu’on ne peut pas le tuer, mais
elle s’arrange pour connaître le secret. Elle l’oblige à parler et à révéler
pourquoi il est invulnérable :
    « Je ne peux pas mourir puisque mon âme n’est pas dans
mon corps. Et mon âme est bien gardée. Elle se trouve dans le treizième œuf d’une
perdrix qui est contenue dans un lièvre qu’aucun chasseur ne peut atteindre. Et,
de plus, le lièvre est dans le corps d’un terrible loup qui dévore tout ce qu’il
voit. Et ce loup se trouve dans le ventre d’un lion que personne n’oserait
affronter » [58] . Telle est la version de
Haute-Bretagne, mais la version de Basse-Bretagne apparaît encore plus précise :
    « Je suis né d’une sirène et
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