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Mon témoignage devant le monde-Histoire d'un Etat clandestin

Mon témoignage devant le monde-Histoire d'un Etat clandestin

Titel: Mon témoignage devant le monde-Histoire d'un Etat clandestin
Autoren: Jan Karski
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donne pas d’autres instructions. Notre ambassadeur, Jan Ciechanowski, vous mettra en rapport avec des Américains éminents. Vous leur raconterez ce que vous avez vu, ce qui vous est arrivé en Pologne et vous leur rapporterez ce que la résistance polonaise vous a demandé de faire savoir aux Nations unies. Mais rappelez-vous bien ceci : vous n’aurez en aucun cas à tenir compte dans votre rapport de la situation politique ou du genre de personne à qui vous vous adresserez. Dites-leur la vérité, rien que la vérité. Répondez à toutes les questions qui vous seront posées dans la mesure où ces réponses ne mettront pas en danger vos camarades de la Résistance. Comprenez-vous bien ce que j’attends de vous ? Sentez-vous combien j’ai confiance en votre impartialité clxxv  ?
    — Je vous remercie, mon général, lui répondis-je, pour la confiance que vous me faites et pour la bonté dont j’ai été l’objet de votre part.
    J’étais bien loin de penser, lorsque je le quittai, que je ne le reverrais plus jamais. La nouvelle de sa fin tragique me parvint quelques semaines plus tard. Ce fut une douloureuse surprise pour le monde entier. Le général Sikorski mourut comme un soldat, à son poste, à bord d’un avion qui s’écrasa près de Gibraltar clxxvi . Nous autres Polonais, nous n’avons pas eu de chance dans cette guerre.
    Quelques semaines plus tard, j’arrivais dans le port de New York, dominé par la statue de la Liberté. Pour moi, ce pays n’était pas seulement celui de Washington et de Lincoln, mais aussi celui de Kosciuszko et de Pulaski clxxvii .
    Je repris aussitôt, comme en Angleterre, ma série de conférences, d’entretiens, de discours, de présentations et de réunions. Et les hommes les plus en vue du pays me posèrent les questions que j’avais déjà entendues : « Que pouvons-nous faire pour vous ? Qu’attendez-vous de nous ? Dites-nous comment nous pouvons vous aider ? »
    Ce à quoi je répondais : « Votre aide matérielle nous est d’un grand secours mais ce qui est infiniment plus important pour nous, c’est que vous transplantiez en Europe vos idéaux, votre mode de vie, votre probité dans la vie publique, votre démocratie américaine et votre honnêteté en politique étrangère. Nous, Européens, vous considérons comme la plus grande puissance mondiale, aussi essayez d’appliquer au monde vos principes, ces principes qui sont exprimés dans la charte de l’Atlantique. De cette façon, vous sauverez l’Europe et le monde entier. Voilà ce que nous vous demandons. »
    J’eus à nouveau à satisfaire la curiosité de nombreuses personnalités : politiciens, ecclésiastiques, hommes d’affaires, artistes, qui voulaient tous se documenter sur mon pays. Le Département d’État se fit représenter par le secrétaire Henry Stimson et ses subordonnés, dont beaucoup travaillaient dans l’anonymat à nouer des relations avec les groupes de résistance dans les pays occupés. Je fournis ainsi des informations au Département d’État par le secrétaire adjoint Adolf Berle et d’autres chefs de service. Au ministère de la Justice par l’attorney général Francis Biddle, le juge Felix Frankfurter m’interrogea au nom de la Cour suprême clxxviii . Je transmis mes informations aux milieux catholiques par mes rencontres avec les archevêques Spellman, Mooney et Stritch et aux milieux juifs par l’intermédiaire du rabbin Wise, de Morris Waldman, Nahum Goldman, que je rencontrai avec bien d’autres encore clxxix .
    Je réalisai alors à quel point le monde entier était unifié. Il me semblait que le réseau dont je faisais partie s’étendait au monde entier, formant un organisme dont aucun membre, si puissant fût-il, ne pourrait se détacher.
    Enfin, j’en arrivai à la plus importante de mes entrevues. Le 28 juillet 1943, l’ambassadeur Jan Ciechanowski m’annonça que le président des États-Unis désirait m’entendre personnellement le jour même sur ce qui se passait en Pologne et en Europe occupée clxxx .
    Je lui demandai ce que je devrais dire au Président. Il me répondit en souriant :
    — Soyez précis et bref. Le président Roosevelt est probablement l’homme le plus occupé du monde.
    La Maison Blanche me parut une grande demeure provinciale, neuve et bien construite, entourée d’arbres et de silence. Je pensais à ce qu’aurait été un pareil édifice dans mon pays. Il y aurait eu des statues, des murs couverts
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