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Mon témoignage devant le monde-Histoire d'un Etat clandestin

Mon témoignage devant le monde-Histoire d'un Etat clandestin

Titel: Mon témoignage devant le monde-Histoire d'un Etat clandestin
Autoren: Jan Karski
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étaient présents. Je fus décoré par le commandant en chef lui-même.
    Sikorski s’approcha de moi et m’ordonna sur le mode officiel : « Reculez de trois pas, garde à vous ! »
    J’étais si ému que j’entendais à peine. Je ne me souviens que des bribes de phrases : « Pour votre mérite… pour vos loyaux services… pour votre dévouement à notre pays… pour votre courage et votre esprit de sacrifice… pour votre foi dans la victoire clxxii …»
    Je dus faire également un long rapport au président de la République en exil Wladyslaw Raczkiewicz. Cet homme était à la tête d’un État dont le séparaient des centaines de kilomètres et dont toutes les institutions fonctionnaient en secret. Puis je dus faire aussi mon rapport séparément à plusieurs membres du gouvernement et aux leaders des partis politiques polonais. Ce fut un travail épuisant et fastidieux.
    J’eus une entrevue avec notre ministre des Finances.
    — Je suis content de vous voir, me dit-il. Je suppose que vous venez me parler de la situation politique en Pologne.
    — Je suis désolé, monsieur le ministre, lui répondis-je, mais il se trouve que c’est un autre objet qui m’amène. Je m’adresse à vous comme au chef du Trésor public et je voudrais contracter un emprunt. La Gestapo m’a privé de mes dents, qui étaient fort bonnes, et j’ai terriblement besoin de m’en procurer d’autres.
    Nous rîmes de bon cœur.
    Quelques semaines plus tard, je m’attaquai à la seconde phase de ma mission qui consistait à informer les leaders des Nations unies de ce qui se passait en Pologne et à les renseigner sur les activités de la résistance polonaise. Je devais leur parler de nos travaux, de ce qu’ils pouvaient attendre de nous et de ce que nous avions à leur demander, de nos efforts mutuels pour la cause commune.
    Mon entrevue avec Anthony Eden m’impressionna particulièrement. Sans le savoir il avait exercé sur moi une profonde influence quand j’étais encore étudiant. À Genève, Eden avait été notre idole, à mes amis et à moi, au temps où j’y faisais des recherches à la bibliothèque de la Société des Nations. Ses discours, sa carrière et sa façon de se comporter représentaient alors pour nous le summum de la perfection d’un homme d’État moderne. Nous l’observions soigneusement et l’imitions. Je me souviens qu’avec un groupe d’amis de l’École des sciences politiques, nous usions de mille ruses pour aller le voir jouer au tennis avec élégance après un discours à la Société des Nations. J’eus envie de lui raconter tout cela, mais je me retins.
    Après m’avoir entendu, Eden me dit : « Allons près de la fenêtre, je voudrais mieux vous voir. »
    Et avant que je quitte son grand bureau spacieux du ministère des Affaires étrangères, il me dit :
    — Il vous est arrivé au cours de cette guerre tout ce qui peut arriver à un homme sauf une chose : les Allemands n’ont pas réussi à vous tuer. Je vous souhaite bonne chance, monsieur Karski, et je suis honoré de vous avoir rencontré clxxiii .
    — Je suis pareil à des milliers d’autres, lui répondis-je.
    Je poursuivis ma tournée de visites aux officiels britanniques. Ce n’était pas un travail entièrement nouveau pour moi : en effet, cela ressemblait beaucoup à ce que je faisais en Pologne, courir d’un point de contact à un autre. Mais ici, naturellement, il y avait des limousines et une nourriture de choix. Tandis que là-bas c’était la terreur et la famine.
    Chaque leader politique anglais s’intéressait à un aspect différent de mes rapports. Je n’ai pas cherché à comprendre pourquoi, le problème semblait se poser différemment pour chacun d’eux. Je vis ainsi M. Arthur Greenwood, le leader travailliste, lord Selbourne, lord Cranborne et le ministre du Commerce Hugh Dalton, miss Ellen Wilkinson, membre fougueux des Communes et Owen O’Malley, ambassadeur britannique auprès du gouvernement polonais, l’ambassadeur américain Anthony Drexel Biddle et le sous-secrétaire aux Affaires étrangères Richard Law ; chacun d’eux m’interrogeait sur une chose distincte.
    Je me présentai aussi devant la Commission des crimes de guerre des Nations unies ; composée de représentants des Nations unies, cette commission est présidée par sir Cecil Hurst, conseiller juridique du gouvernement britannique. Je leur exposai les faits dont j’avais été témoin dans le ghetto de
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