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Milena

Milena

Titel: Milena
Autoren: Margarete Buber-Neumann
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se
peignait. « Voici l’endroit où elle m’embrassait toujours, me dit Milena
en me prenant la main et en la posant sur ses boucles. Ici, sur cette mèche
rebelle qui me pend sur le front. Je ne pourrai jamais l’oublier… » Jusqu’à
l’âge de trois ans, Milena fut la seule enfant de la famille. Elle passait ses
journées dans le grand appartement aux meubles sombres. On ne la promenait
guère. Le matin, elle restait dans la salle à manger et l’après-midi au salon
où elle trônait, assise sur une haute chaise devant la grande table, ses jouets
préférés étalés devant elle. « Est-ce que, quand tu étais enfant, les
billes de pierre, avec leurs veines de toutes les couleurs, t’ont autant
fascinée que moi ? Est-ce qu’elles ne t’apparaissaient pas comme quelque
chose de totalement surnaturel ? » me demande alors Milena.
    Puis nous parlons des perles de verre de Bohême multicolores,
nous évoquons la magie des torrents de montagne qui dévalent le long des pentes
et j’ai le plus grand mal à la ramener à son enfance. « À quoi
ressemblais-tu quand tu avais trois ans ? Existe-t-il des photos de toi à
cette époque ? » « J’étais pâle et menue, j’avais un regard
précoce et entêté dans un petit visage tout rond et une crinière ébouriffée sur
la tête. Je n’étais ni belle ni sage, plutôt indocile au contraire. Ma mère
était la seule qui me comprenait vraiment… »
    La mère de Milena était issue d’une famille tchèque aisée
qui possédait le « Bad Beloves » près de Nachod. Petite fille, Milena
y allait souvent en visite. Ses ancêtres maternels n’appartenaient pas, comme
ceux de son père, à la bourgeoisie de vieille souche, ils s’étaient au
contraire progressivement élevés à la force du poignet. Ce type de famille
tchèque se caractérisait par la profonde considération qu’elle vouait à toutes
les formes d’activité intellectuelle et spirituelle, la science, l’art, le
théâtre, la musique ; ce sont tout particulièrement ces familles qui furent
porteuses du sentiment national tchèque, tel qu’il venait alors de s’éveiller.
    La mère de Milena était considérée comme douée pour les arts.
Elle réalisait, dans le goût de l’époque, des gravures sur bois de style
populaire, des pyrogravures et même des meubles ornés à la manière paysanne. Milena
se souvenait qu’il y avait dans l’appartement de ses parents (meublé, comme la
plupart des maisons des Pragois aisés, de mobilier imitation Renaissance) une
chaise que sa mère avait façonnée au tour et sculptée elle-même – un objet tout
à fait remarquable, avec son siège triangulaire, tendu de cuir et pourvu, devant,
d’un bouton auquel elle pouvait se tenir quand elle y était assise. Sa mère
avait également une prédilection pour les fichus paysans de couleur et, par la
suite, lorsque Milena devint autonome, elle emportait toujours dans sa valise
ces étoffes pour les disposer dans les chambres d’hôtel où elle se retrouvait
et y ajouter ainsi une note personnelle.
    Mais, petite fille, Milena avait un goût totalement différent
de celui de sa mère. Elle se rappelle avoir fondu en larmes : « Ce
fut quand ma mère m’enleva le petit peigne rose et bleu clair que je portais
pour la fête paroissiale, le remplaçant par un véritable peigne d’écaille qui
ne me plaisait pas du tout. Et puis, il y eut cette blouse de matelot que j’étais
tellement agacée et vexée de devoir porter ; ce que je voulais, c’était un
corsage avec des dentelles et des petits rubans, comme celui que portait Fanda,
la petite voisine [3] … »
    « Sache une chose, ajoute Milena d’un ton mélancolique,
ma mère ne m’a jamais frappée quand j’étais petite, pas même grondée, contrairement
à mon père… » Milena frissonne de fatigue et de froid. Le poêle s’est
éteint, et l’on perçoit déjà les bruits qui indiquent que la journée du camp a
commencé. Notre nuit tire à sa fin.

Jan Jesensky
    Les Jesensky vivaient dans le centre de Prague, au
cinquième étage d’une maison située au coin de l’Obstgasse. « Le Graben et
la place Venceslas se trouvaient juste sous nos fenêtres », note Milena en
préambule au récit d’un souvenir lointain concernant son père. Il y avait encore,
à cette époque, de magnifiques maisons basses de style baroque tardif. Avec son
centre propret, Prague avait l’air d’une petite ville de province.
    « À
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