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Marseille, 1198

Marseille, 1198

Titel: Marseille, 1198
Autoren: Jean (d) Aillon
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contrepartie la
sécurité, de bons chemins, et des approvisionnements réguliers. L’entente doit
donc régner entre le vicomte, dont je suis le représentant, et les consuls.
C’est pour cela que j’ai été choisi à mon retour de Saint-Jean-d’Acre. Quand le
vicomte Raymond Geoffroi m’a proposé d’être viguier, il savait que je serais
accepté des consuls, car j’étais à la fois chevalier et marchand. Nous
partagions tous le même dessein : faire de Marseille la plus riche cité de
la Méditerranée. L’Europe achète cher ce qui arrive d’Orient, mais pour
satisfaire cette demande, il faut toujours plus de comptoirs en Orient, en
Grèce, en Italie et en Espagne. Et surtout il nous faut la paix.
    — On ne peut qu’approuver de telles
intentions, remarqua Ibn Rushd en souriant, tandis qu’ils approchaient de
l’enceinte fortifiée et d’une haute tour qui la bordait.
    — J’aimerais que tu aies raison, mais tout le
monde ne veut pas la paix, dit le viguier en faisant signe à son écuyer de
passer devant. Laisse-moi t’expliquer : chez nous, les droits seigneuriaux
restent en indivision dans les successions. Il y a trente ans, à la mort d’un
de nos vicomtes, trois de ses fils se partagèrent les droits de leur père sur
le fief marseillais. L’aîné, Guillaume, fut le premier vicomte et, à sa mort,
c’est son frère, Raymond Geoffroi, qui lui a succédé. C’est lui qui m’a choisi
comme viguier. Le dernier frère, Roncelin, avait renoncé à l’héritage en
devenant moine à Saint-Victor, car les religieux sont exclus des successions
seigneuriales.
    » Quand Raymond Geoffroi est mort, sa part a
été transmise à sa fille Baralle, épouse de Hugues des Baux. Hugues des Baux
est le chef de la plus puissante famille de Provence. Depuis toujours, les
Baussenques, comme on les appelle, revendiquent le comté de Provence. Comme
Baralle disposait de la moitié du fief marseillais, son mari a demandé à être
nommé vicomte. La richesse de la vicomté de Marseille lui aurait donné les
moyens de s’attaquer au comte de Provence, c’est-à-dire à la maison de
Barcelone et d’Aragon. Mais les négociants marseillais, refusant d’être
entraînés dans un conflit, y étaient opposés. J’ai donc proposé de faire sortir
Roncelin du monastère de Saint-Victor et de lui remettre la charge vicomtale.
    — C’est donc si facile de quitter la
robe ? ironisa Ibn Rushd.
    — Non ! Le prieur de Saint-Victor a
refusé le retour de Roncelin à la vie laïque, aussi suis-je allé le chercher
avec mes archers.
    — Roncelin a accepté… n’avait-il pas la
foi ?
    — Roncelin est faible de caractère. De plus,
il est d’un tempérament galant et n’attendait qu’une occasion pour quitter le
couvent. Mais ses défauts importent peu puisqu’il me laisse diriger la ville.
    Tout de même, si Baralle avait la majorité de
l’indivision, comment a-t-il pu devenir vicomte ?
    — Baralle a dû partager sa part avec lui,
mais elle n’était pas la seule légataire de la vicomté. Le frère aîné de
Raymond Geoffroi, Guillaume, avait eu une fille, Mabile, qui est l’épouse
d’Adhémar, seigneur de Montélimar. Il y a aussi une troisième héritière de la
vicomté, Alice [14] ,
issue d’une branche aînée. Alice est ma pupille et n’a que dix ans. Elle est
promise à un autre seigneur des Baux et possède les droits féodaux sur le quart
de la ville basse, mais, même mariée, elle ne pourra les exercer, car son père
les a gagés auprès de deux banquiers de mes amis à une époque où, prisonnier, il
a dû payer rançon. Sa dette se monte à vingt mille sous.
    » En résumé, outre Roncelin, j’avais le
soutien d’Adhémar et de Mabile, et je suis tuteur d’Alice dont les droits sont
en gage chez mes amis, le consul Guillaume Vivaud et le banquier juif Botin. J’ai
donc pu manœuvrer pour écarter Hugues des Baux.
    — Comment Hugues des Baux a-t-il pris la
chose ? s’amusa Ibn Rushd. C’était lui le grand perdant !
    — Très mal. Il a convaincu le comte de
Provence Alphonse d’Aragon, dont il brigue pourtant la place, de lever une
armée pour faire le siège de notre ville. Depuis toujours nous refusons la
suzeraineté de la maison d’Aragon et Hugues des Baux s’était engagé à la
reconnaître s’il devenait vicomte. Mais même s’il s’en cachait, tout le monde
connaissait sa véritable ambition. Cette coalition contre nature a trouvé en
face nos
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