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L'or de Poséidon

L'or de Poséidon

Titel: L'or de Poséidon
Autoren: Lindsey Davis
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pires gargotes des quartiers les plus démunis de Rome. Ici, on servait les potages censés être froids tièdes, et les ragougnasses glacées. On racontait qu’un jour un pêcheur était mort au comptoir après avoir consommé une portion de pois ressemblant à de la vase. Mon frère affirmait que pour éviter un procès long et coûteux, on avait rapidement découpé l’homme pour le resservir sous forme de boulettes fortement épicées. Festus avait une histoire prête à propos de tout. Mais si on jetait un coup d’œil dans la cuisine de cette caupona, on avait tendance à croire que la mésaventure survenue au pêcheur était authentique.
    Les deux comptoirs délimitaient un petit espace où pouvaient s’asseoir quelques habitués au cœur bien accroché. (Ils recevaient en outre des coups de coude du serveur en train de faire son travail.) On avait installé là deux tables gondolées. L’une disposait de deux bancs, l’autre de tabourets pliants. À l’extérieur, empiétant sur la rue, se dressait une moitié de tonneau sur lequel le même mendiant fragile se tenait toujours assis. Et, même aujourd’hui, malgré les séquelles du violent orage de la veille et quelques averses intermittentes, il était fidèle au poste. Personne ne lui faisait jamais l’aumône, parce que le serveur le rançonnait.
    Je passais toujours devant ce pauvre homme en prenant bien soin d’éviter son regard. Quelque chose en lui, que je n’arrivais pas à définir, me procurait une impression de familiarité. Et ça me déprimait. Sans doute parce je me disais inconsciemment que, à la première impéritie, je risquais de me retrouver à partager son tonneau.
    Une fois à l’intérieur, je m’installai sur un tabouret dangereusement branlant. Le service n’était pas rapide. Je secouai la tête pour chasser la pluie de mes cheveux tout en balayant des yeux la petite salle que je connaissais bien : l’étagère chargée d’amphores qui s’abritaient derrière une brume de toiles d’araignées ; des rangées de gobelets et de flacons brunâtres ; un récipient grec décoré d’une pieuvre, étonnamment joli ; et, peint sur le mur, un inventaire assez exhaustif des vins – il n’était là qu’à titre décoratif, parce que chez Flora on servait un cru unique et incertain, dont les composants ne devaient avoir qu’un lointain rapport avec les raisins.
    Tout le monde ignorait si Flora avait jamais existé. Sans doute avait-elle disparu ou était-elle morte, mais personne ne semblait s’en soucier, et je n’avais jamais eu envie de mener l’enquête. D’après la rumeur publique, ç’avait été un personnage imposant. Mais ceux qui disaient ça ne l’avaient jamais vue. Il s’agissait probablement d’un mythe. Ou alors, vu le genre de nourriture et de boisson servies dans sa caupona, elle avait peut-être peur d’affronter ses clients.
    Le serveur s’appelait Epimandos. S’il connaissait son employeur, il restait muet à ce sujet.
    Cet Epimandos était probablement un esclave évadé qui avait réussi à déjouer les poursuites depuis des années, mais qui n’en conservait pas moins un air furtif. Son visage étiré en longueur avait l’apparence d’un masque de théâtre ; il surmontait un corps maigre et paraissait s’enfoncer directement dans ses épaules. À force de charrier de lourds ustensiles, il était cependant devenu plus costaud que son apparence ne le laissait supposer. Sa tunique était toujours maculée de taches de sauce, et de ses mains se dégageait perpétuellement une odeur d’ail haché.
    Le chat qui m’avait soigneusement ignoré s’appelait Gringalet, mais comme pour le serveur, il ne fallait pas se fier à son apparence. Doté d’une queue touffue, il arborait son expression sournoise habituelle. Je lui décochai un coup de pied qu’il évita sans peine. Il prit quand même la précaution de se réfugier dans les jambes d’Epimandos. Ce dernier ne se donna même pas la peine de protester. Il se contenta de demander :
    — Comme d’habitude ?
    On eût dit qu’il m’avait vu la veille, alors que j’étais absent de Rome depuis si longtemps que je ne me rappelais même plus ce que je commandais « d’habitude ».
    Apparemment, il s’agissait d’un bol de ragoût verdâtre accompagné d’un petit pichet de vin. Pas étonnant que mon cerveau ait fait une croix là-dessus.
    — Ça te plaît ? demanda Epimandos au bout d’un moment.
    Il avait beau avoir
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