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L'Insoumise du Roi-Soleil

L'Insoumise du Roi-Soleil

Titel: L'Insoumise du Roi-Soleil
Autoren: Jean-Michel Riou
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d’opinion au cours de l’enquête, quitte à me déjuger. On m’a accusé de légèreté, voire de précipitation. Je n’ai rien dit. J’ai laissé circuler les sarcasmes, même si j’en ai souffert. La vérité est qu’à l’instant où, par le jeu des personnes mises en cause, je risquais d’affaiblir le pays, j’ai caché et menti. Je l’ai fait non pas pour protéger un homme ou son clan ou ses proches. Je veillais sur le légat suprême d’un État secoué par l’histoire récente des guerres de religion, par la Fronde et qui est entouré de pays ennemis. Ce pays et ce roi sont plus fragiles qu’on ne le pense. Le rôle d’un serviteur est de les soutenir. C’est ainsi qu’il faut comprendre ce que je fais. Et chaque jour, jusqu’au dernier, j’agirai ainsi.
    Il ferma les yeux un instant et se laissa porter par le roulis du carrosse :
    — Un pays vivant en paix, un État solide, un peuple s’épanouissant par la grâce du progrès, voilà mes croyances. C’est pourquoi je suis soulagé que cette histoire se termine ainsi.
    — Sans que le roi puisse en souffrir.
    Il se redressa d’un coup :
    — Non. Sans que l’État ne soit encore bousculé. Et c’est le cas puisqu’il s’agit d’une simple affaire crapuleuse qui sera effacée des tablettes et ne restera pas dans les annales. Je contrôle la Gazette de France ou encore le Mercure . Et le Journal des savants ne s’aventurera pas à parler d’un revenant... Dès lors, cette affaire n’existe plus.
    La Reynie me lança un regard narquois. Il gardait un secret.
    — Voudriez-vous me laisser entendre qu’elle aurait pu en cacher une autre ?
    — Il faut voir au-delà des apparences. N’est-ce pas ce que vous pensez ?
    — Je l’ai fait assez. Et vous m’avez convaincue du contraire.
    — Dans votre intérêt. Et peut-être celui du Royaume. Car à quoi nous menaient vos hypothèses ?
    — Un complot religieux, murmurai-je.
    — Une affaire d’État, peut-être... Et qui aurait pu être visé ?
    — Les jésuites ?
    Il acquiesça en silence.
    — Les avez-vous protégés ? insistai-je.
    Il expira fortement par le nez en émettant un petit bruit aigu :
    — Mon rôle n’est-il pas de veiller sur ceux que l’on attaque ?
    — Ainsi, j’avais vu vrai ! écumai-je.
    Il leva une main, m’ordonnant de m’apaiser :
    — Tout doux !
    — Comment croire que j’accepterais que vous m’ayez caché la vérité ? N’en doutez pas, monsieur de La Reynie, je vous poursuivrai, j’irai, la nuit, frapper à votre porte, je lèverai une armée de poètes qui inventeront les pires pamphlets sur vous. Je...
    — Allons, sourit-il, je vous autorise un dernier assaut. Posez-moi votre question.
    — Non, je préfère imaginer une hypothèse.
    — Je vous écoute, chère collègue, gloussa-t-il en se calant dans le siège.
    — Les jésuites ne cachant rien de leurs idées, et je l’ai compris en entendant La Chaise, leurs ennemis savent que leur projet est de convaincre le roi de révoquer l’édit de Nantes.
    — Poursuivez, acquiesça-t-il d’un air satisfait.
    — Leurs opposants les plus résolus se jettent alors dans une bataille à corps perdu. Par tous les moyens, il faut affaiblir le pouvoir des jésuites. D’abord, en Louisiane où une alliance s’organise pour que ces compagnons de Jésus ne prennent pas la tête de l’évangélisation. En France, toutes les congrégations s’unissent en secret pour nuire au pouvoir de ceux qui approchent le roi et l’influencent. On tirera à hue et à dia sur les directeurs de conscience. C’est un complot ourdi contre les jésuites. Une nouvelle guerre de religions, m’enflammai-je.
    La Reynie applaudit, puis éclata franchement de rire. Ma rage redoubla :
    — Vous vous moquez ?
    Pour toute réponse, il siffla ces mots entre ses dents :
    — Si les jésuites sont ceux que l’on chasse, pourquoi aucun n’est-il tombé sous les coups du... fantôme ?
    — Évidemment, bougonnai-je. Ma thèse pourrait en prendre un coup. Mais je vais vous répondre.
    — Je vous en prie, susurra le lieutenant de police en croisant les mains sur son ventre.
    — Menacés par cette conjuration, les jésuites décident de contre-attaquer en organisant la mort de leurs opposants. On masquera l’affaire sous un mobile ayant trait à l’argent. Cette compagnie de Louisiane dont certains veulent s’emparer pour de vils profits leur en donne l’occasion. Je n’ai pas terminé, monsieur de La Reynie ! J’ai
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