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L'Insoumise du Roi-Soleil

L'Insoumise du Roi-Soleil

Titel: L'Insoumise du Roi-Soleil
Autoren: Jean-Michel Riou
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épiés, suspectés de tous les maux, si bien que leur autorité s’en trouve amoindrie. Non, j’ai compris que le roi seul tirait avantage de ces troubles. Chaque nouvelle confusion consolide son pouvoir personnel et c’est l’étrangeté d’un homme qui craint le désordre et sait l’utiliser. L’affaire du fantôme pouvait-elle nuire aux jansénistes ? Si la réponse était oui, vous devinez combien on s’en serait servi contre eux. La fermeture de Port-Royal se jouera également sur un prétexte. Mon rôle n’est pas de le fournir, car l’équilibre des forces et des pouvoirs plaide en faveur de l’État et de la liberté que vous défendez. L’affaire pouvait-elle amoindrir les jésuites ? Étudions l’hypothèse. On les accuse, les accable. Qu’en reste-t-il ? Une influence qui diminue alors que la thèse des jésuites constitue un autre rempart contre l’absolutisme.
    — Ils veulent soumettre le roi à la loi de Dieu, glissai-je à mi-voix.
    — Que dites-vous ?
    — La Chaise m’en parlait ainsi. Il affirmait qu’en plaçant le roi sous l’autorité de Dieu, on freinerait son pouvoir dans ce qu’il avait d’ intolérable .
    — Alors ? glissa La Reynie. Les jésuites ne sont-ils pas un moindre mal ?
    — Mais en les favorisant, vous affaiblissez les protestants et les jansénistes !
    — Je manœuvre comme je peux. Les jésuites ont le vent en poupe, les autres plus. Mais en affirmant au roi que ce fantôme ne recelait qu’une affaire crapuleuse, je n’agis pas contre un camp qui pourrait ralentir la progression du pouvoir personnel. Et je crois servir l’État et la liberté.
    — Voulez-vous dire qu’en m’entêtant à vouloir prouver au roi qu’il s’agissait d’un complot religieux, j’œuvrais contre mes intérêts ?
    — Tournez la question dans tous les sens. Le résultat est le même. La meilleure carte est le roi. Oui, madame, et c’est peut-être le secret de cette affaire. Quelle que soit la vérité, le vainqueur aurait été Louis XIV. Voilà pourquoi je vous ai suppliée de vous taire. Un mot de trop... Et moi, je dois vivre avec cela. Ainsi, chaque jour, jusqu’au dernier, comme je vous l’ai dit, je composerai comme je le pourrai pour que l’État ne sombre pas entre les mains d’un seul homme.
    — Pourquoi m’avouez-vous cela, monsieur de La Reynie ?
    Il haussa les épaules à tour de rôle :
    — En défendant à ma manière une certaine idée de la liberté, j’ai la faiblesse de croire que nous poursuivons le même combat. Je le fais en serviteur. Comme vous en ayant sauvé votre père. C’est pourquoi ce combat fut utile. Et nous y avons, tous les deux, appris ou gagné quelque chose. Alors, soyons heureux.

    Arrivés devant l’hôtel Carnavalet, Nicolas de La Reynie descendit du carrosse pour me saluer. Il me prit par le bras, s’éloignant jusqu’à un renfoncement où il vérifia que ni œil ni oreille ne pouvait nous espionner. Rassuré, il ajouta :
    — Madame, je crois inutile de préciser que toutes les syllabes prononcées dans ce carrosse se sont envolées. Pas un mot de trop !
    — Je ne sais même plus de quoi vous parlez, monsieur le lieutenant de police !
    — Une dernière chose. Voulez-vous dire, s’il vous plaît, à maître Faillard qu’il cesse de fouiner dans mon dos. Il s’est mis en tête que l’esclave mort rue Mouffetard aurait pu être tué par mes hommes quand ils sont montés dans le grenier où il se cachait. Sans doute croyait-il que je voulais détruire la preuve d’un secret d’État. Il est si tentant d’imaginer, sourit-il tristement, que ce bougre tenait en main le double d’une liste sur laquelle apparaissaient des noms faisant écho à ceux de l’Affaire des Poisons.
    Il raidit sa petite taille :
    — Et nous savons tous deux que tout ceci relève d’une pure hypothèse...
    — Et nous la garderons en nous, murmurai-je au plus bas.
    Son visage s’adoucit. Il ne regrettait pas ses confidences. Mais ce relâchement dura peu. Déjà, il retrouvait son sérieux habituel :
    — En revanche, il se peut que le même Faillard, à force de chercher, ait pris connaissance de faits dont je dois vous entretenir. Hélas, grinça-t-il, il me coûte de parler et si je n’étais pas certain qu’il le fasse en premier...
    — Mon Dieu, voilà d’étonnantes précautions et ce nouveau mystère m’inquiète, lançai-je mi-moqueuse, mi-agacée, pensant qu’il doutait à nouveau de ma loyauté.
    — Il le faut,
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