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L'Héritage des Cathares

L'Héritage des Cathares

Titel: L'Héritage des Cathares
Autoren: Hervé Gagnon
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passera.
    Elle me prit par les pieds et me suspendit dans les airs, son autre main tendue, prête à s’abattre sur mon fessier pour me faire prendre mon premier souffle.
    —    Il peut vivre ou mourir, dit-elle. Le choix est le tien, seigneur.
    Mon père hésita, contraint à choisir le moindre de deux maux. Sans héritier, sa seigneurie était perdue. Avec lui, elle serait maudite. Pour ma part, privé d’air et indifférent à son dilemme, je devenais de plus en plus bleu.
    —    Décide, insista Ylaire. Sinon, la vie le fera pour toi.
    —    Vieille folle ! s’exclama enfin mon père. Tout ceci n’est que superstition ! Qu’il vive, grands dieux ! Qu’il vive !
    La sage-femme soupira, résignée, et m’administra quelques claques sur le croupion. Je me mis à hurler avec enthousiasme. Le Mal venait de s’incarner à Rossal, comme le Bien l’avait fait, dans les temps jadis, à Bethléem.
    Espérant contrer le mauvais sort par le pouvoir du saint baptême, Florent fit mander le prêtre du village. Le père Théobald Prelou était déjà un vieil homme usé dans la cinquantaine. Ses longs cheveux blancs encerclaient, telle la couronne d’épines du Christ, un crâne au dôme luisant. Un pied bot l’avait dispensé du dur labeur des serfs et l’avait orienté vers le sacerdoce. Depuis des années, il partageait sa couche avec Hodierne. Le péché de luxure ne préoccupait guère le clergé et personne au village ne se formalisait outre mesure du fait qu’un pasteur soulage ses besoins charnels en lutinant une jeune servante disposée à s’accommoder de sa vieille carcasse. On racontait qu’ensemble ils buvaient beaucoup plus de vin que ne l’exigeait la messe quotidienne. Fort loin d’être parfait, donc, il était néanmoins pieux et jouissait de l’affection et de la confiance de ses ouailles.
    Lorsque le père Prelou se présenta, l’atmosphère était lourde dans le manoir. Résistante, ma mère avait survécu à l’épreuve et, déjà, elle avait porté à ma bouche un tétin gorgé de lait que je suçais avidement. Elle était la seule à ne pas être ébranlée par les circonstances de ma naissance, chantonnant doucement en caressant ma tête déjà couverte de cheveux roux.
    En chemin, on avait expliqué la situation au prêtre et c’est armé de sa bible qu’il m’arracha du sein maternel pour m’asperger d’eau bénite en récitant les prières d’usage, qu’il compléta par quelques paroles du rituel d’exorcisme. J’ignore s’il faut y voir un présage, mais je répondis par un rot sonore.
    Dès que mon existence fut annoncée, la liesse fut générale et Florent eut droit aux blagues grivoises de circonstance. Malgré les maigres ressources de Rossal, des réjouissances furent organisées et la fête dura toute la nuit. Les nombreuses cruches de vin offertes par le géniteur ne furent pas étrangères au fait que, le lendemain, tous durent travailler avec une solide migraine. Le père Prelou, déjà porté sur la bacchanale, s’enivra copieusement, au grand amusement de ses paroissiens qui ne se lassèrent pas de le voir trébucher sur sa bure. Au fil des festivités, je fus officiellement présenté en tant que futur seigneur de Rossal et on me passa de mains en mains jusqu’à ce que tout le village ait satisfait sa curiosité.
    Il ne fallut que quelques jours pour que ma naissance voilée s’ébruite. Dès lors, la liesse céda la place à la méfiance et tous ceux qui m’avaient touché s’empressèrent de se laver les mains et de les purifier dans de la fumée de sauge. Malgré mon statut d’héritier seigneurial, je n’eus pas droit à une nourrice. Rossal ne manquait jamais de jeunes femmes ayant récemment enfanté et capables de partager leurs mamelles bien remplies, mais, chose étrange, mon père n’en trouva aucune. Je soupçonne fort que, plutôt que de devoir allaiter le bébé né voilé qui apporterait le malheur sur le village, chacune de celles qui le pouvaient eut recours aux services d’Ylaire qui, par quelque potion, s’arrangea pour leur tarir les mamelles. Sans l’admettre ouvertement, on souhaitait ma mort. Ce fut donc ma mère qui s’en chargea. À peine entré en ce monde, j’étais un paria redouté. Un stigmatisé.
    J’ai peu de souvenirs de mon enfance, sinon que je la passai seul. Des bribes me reviennent ici et là, sans plus. J’aurais dû, comme tous les garçons, éprouver une admiration béate pour Florent de
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