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L'Héritage des Cathares

L'Héritage des Cathares

Titel: L'Héritage des Cathares
Autoren: Hervé Gagnon
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à la semence plus fertile. Je ne sais si Dieu eut pitié de Florent ou s’il désirait châtier sa paillardise en lui infligeant un fils tel que moi, mais ses ardeurs répétées finirent par produire le résultat tant espéré. Contre toute attente, Nycaise devint enceinte. Si l’on avait su ce que je deviendrais, on m’aurait sans doute étranglé sans regret dès mon premier souffle, mais la Vérité exigeait un esclave et j’étais celui-là.
    En raison de la rondeur naturelle de ma mère, la chose ne fut d’abord pas très apparente, mais tous finirent par remarquer que ses formes rebondies s’étaient substantiellement épanouies au fil des mois et qu’elle se trouvait grosse, au sens figuré comme au sens propre. Dès lors, Rossal baigna dans une atmosphère de fête.
    L’événement fatidique se produisit une nuit de la fin de novembre. Depuis quelques semaines déjà, Ylaire, la doyenne du village, une vieille femme voûtée au visage parcheminé qui tenait lieu de sage-femme et de guérisseuse, était aux aguets. Lorsque Nycaise perdit enfin ses eaux, on la manda aussitôt. Seigneur ou pas, Florent fut expulsé sans ménagement de la chambre où j’avais été conçu. Seules quelques filles du village y avaient accès, allant et venant les bras chargés de bacs d’eau chaude, de linges propres ou de bois pour le feu.
    L’accouchement fut douloureux et difficile. Pendant des heures, la marche nerveuse et incessante de Florent, confiné à la pièce voisine, fut ponctuée de hurlements et de gémissements qui n’avaient rien à voir avec ceux qui montaient habituellement du lit conjugal. Avait-il peur de perdre le seul enfant qu’il avait réussi à engendrer ? Sans doute. Tout père réagirait ainsi. Je soupçonne toutefois que son inquiétude avait surtout à voir avec le vil calcul. Après tout, la continuité de la seigneurie dépendait de la naissance et de la survie d’un enfant mâle. Le pauvre Florent n’était pas sans savoir que la raideur de son estoc tirait à sa fin et que je risquais fort d’être sa dernière chance de postérité. Les heures s’étirèrent, les cris de ma mère s’affaiblissant petit à petit. Puis se produisit ce qu’il craignait plus que tout. La sage-femme émergea de la chambre de la parturiente. Les mains vides.
    —    Que se passe-t-il ? s’enquit mon père, au comble de l’angoisse.
    —    La mère est de plus en plus faible et l’enfant refuse de sortir. Il se présente par les fesses. Je dois le tirer de là, sinon les deux en crèveront. Mais avant, venez voir votre femme, au cas où...
    Ylaire n’osa pas terminer sa phrase. Point n’était besoin. Florent se précipita dans la chambre et faillit défaillir en apercevant sa jeune épouse, pâle comme la mort et couverte de sueur. Il était là, encore pétrifié, lorsque la vieille badigeonna le sexe de ma mère d’une épaisse couche de graisse, l’étira au point de le déchirer et y plongea les mains pour me saisir. En me tortillant dans tous les sens, elle finit par me tirer de ma fâcheuse posture, arrachant un hurlement à ma mère, qui perdit connaissance sur-le-champ. Aussitôt, deux des filles s’affairèrent à nettoyer et à recoudre ce qui devait l’être, puis à appliquer sur ses blessures un onguent d’herbes qui éviterait la corruption.
    En quatre décennies d’accouchements, Ylaire en avait vu bien d’autres. Plus rien ne pouvait la surprendre. Mais il était une chose qu’elle redoutait par-dessus tout et qui était de mauvais augure. Cette nuit-là, elle la vit.
    —    Seigneur Dieu, ayez pitié de nous, murmura-t-elle, le visage livide, en observant ce qu’elle tenait dans ses mains gluantes des immondices de l’enfantement.
    —    Quoi ? s’enquit anxieusement mon père. Est-il vivant ?
    —    Il est voilé...
    Florent pâlit et se signa. Sur mon visage était drapée une membrane blanchâtre, issue des entrailles de ma mère, qui masquait mes traits. Ylaire s’empressa de l’arracher et, avec un mélange de crainte et de dégoût, la jeta dans le feu qui ronflait dans la cheminée. Puis elle tendit l’index et le majeur vers l’objet qui se consumait déjà pour conjurer le mauvais œil.
    —    Seigneur, éloigne le Mal de nous, marmonna-t-elle en se signant frénétiquement.
    Elle toisa gravement mon père.
    —    Tu sais ce que signifie naître voilé, dit-elle. Cet enfant est maudit. Il apportera le malheur partout où il
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