L'Eté de 1939 avant l'orage

balaient habituellement sous le tapis. Nombreux sont les protagonistes évoqués dans ces pages à avoir réellement existé. On trouve une petite biographie des plus importants d’entre eux au début du roman. Bien sûr, je leur attribue des paroles et des pensées qui ne tiennent qu’à mon imagination… tout en essayant de demeurer plausible.
    Je me suis efforcé de respecter l’atmosphère et l’esprit de l’époque, ainsi que les principaux événements. Pour cela, la meilleure source demeure la presse écrite et quelques ouvrages incontournables. Parmi ceux-ci, nous trouvons bien sûr les travaux d’Esther Delisle, dont la parution a fait couler beaucoup d’encre.
    Plus intéressante à mes yeux, quoique d’une présentation rébarbative, la série de documents publiés par David Rome qui trace un portrait navrant de l’ampleur de l’antisémitisme au Canada. Là, j’ai appris l’existence de toutes ces lettres, ces pétitions, ces réunions pour empêcher les réfugiés juifs de mettre le pied au pays, les nombreuses conspirations pour les priver de leurs droits.
    Le désir d’écrire un roman qui se déroule de l’embarquement des réfugiés juifs sur le Saint-Louis jusqu’à l’entrée en guerre du Canada m’amène à télescoper des événements.
    Quelques exemples des libertés que j’ai prises. La grève des internes des hôpitaux montréalais a bel et bien eu lieu, et avec l’ampleur que je lui donne, mais en 1936 et non en 1939.
    L’événement était cependant trop révélateur des mentalités pour que j’en fasse l’économie. Le père Roy a eu la mauvaise idée d’organiser le mariage de masse de la Jeunesse ouvrière catholique le même dimanche où M gr Bazinet lançait sa croisade raciste. Ne voulant pas priver Renaud Daigle d’assister aux deux, j’ai devancé les épousailles d’une semaine. Les mariés ne m’en voudront sans doute pas, j’espère.
    Les événements de Sainte-Agathe sont si intéressants que j’en ai scrupuleusement respecté le déroulement… en admettant que les journaux en ont été le reflet fidèle. Par exemple, une jeune pianiste appelée Weinstein a bien reçu un coup de bâton d’un garçon, et deux hommes se sont battus en pleine nuit au coin des rues Saint-Vincent et Principale, un affrontement faisant suite à un échange de mots aigres-doux en après-midi. Les journaux ne précisaient pas si l’un d’eux était à demi nu…
    Le racisme des Canadiens français des deux sexes était-il aussi virulent que je le laisse entendre? Lionel Groulx, leur maître à penser, a bien commis les textes évoqués dans ces pages. Le livre  La Réponse de la race , publié en 1936, s’avère aussi horrible que je le dis. Renaud Daigle se montre un peu injuste envers André Laurendeau: après avoir flirté avec cette idéologie, ce journaliste a condamné l’antisémitisme dès 1937. Au fond, mon avocat ne respecte pas tout à fait les enseignements donnés à sa fille: il a condamné le fils pour une faute du père. Arthur Laurendeau a bien préfacé  La   Réponse de la race!  En passant, l’auteur présumé de ce torchon demandait au chanoine Groulx la permission de le lui dédicacer: rien dans les archives de l’Institut d’histoire de l’Amérique française n’indique que l’ecclésiastique a donné son accord… Mais l’ouvrage lui fut bien dédicacé!
    Le nazisme du Parti de l’Unité nationale d’Adrien Arcand était une chose, le racisme ordinaire d’une large partie de la population québécoise, justifié au nom du devoir de protéger à la fois la «race» canadienne-française et son patrimoine, en était une autre. Le calme village de Sainte-Agathe a effectivement été le lieu d’une campagne plutôt virulente, menée par M gr Jean-Baptiste Bazinet et son vicaire, Jean-Baptiste Charland. Voilà que j’ai un motif personnel d’apprécier le célibat des prêtres: au moins, celui-là a peu de chances de faire partie de mes ancêtres.
    Pour illustrer la campagne raciste du prélat, je me suis