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Les Roses De La Vie

Les Roses De La Vie

Titel: Les Roses De La Vie
Autoren: Robert Merle
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jusqu’à
détourner à leur profit les subsides destinés à aider nos alliés.
    Ce pamphlet n’apprit pas grand-chose au roi sur les Brûlart
qu’il n’eût déjà soupçonné. Mais il lui apprit du moins que tout le monde le
savait, et à la ville et à la Cour, et que cette honte finirait par retomber
sur lui, s’il n’y mettait pas fin. Et le quatre février 1624 Tronçon, sur son
ordre, alla notifier à Brûlart et à son fils d’avoir à quitter la Cour. Je vis
dans un couloir du Louvre Tronçon courir à cet office (qu’il remplissait, comme
on sait, avec une gravité véritablement royale) et ordonnai à La Barge de
guetter son retour et de me l’amener de gré ou de force. Dès que Tronçon fut
mon prisonnier, je lui versai un grand gobelet non de Bourgogne mais de mon vin
de Frontignan, et là, par la cajolerie et par la menace, et le Frontignan
m’aidant prou, car Tronçon ne se méfia pas de sa traîtreuse puissance de vin
sucré, j’obtins de lui un fidèle rapport de ce que Louis l’avait chargé de dire
aux ministres.
    — Messieurs, leur dit-il (plaise au lecteur d’imaginer
avec quelle gravité écrasante Tronçon prononça ce message royal), si vous vous
estimez innocents des accusations portées contre vous au pied du roi, vous
pouvez demeurer à Paris, mais à charge de voir le Parlement enquêter sur vos
conduites et vos opérations.
    — Monsieur le Secrétaire, dit Brûlart de Sillery en
poussant un soupir, je suis trop vieil et trop mal allant pour affronter à
Paris les fatigues d’un procès. Je compte m’aller reposer dès demain dans ma
maison des champs.
    — Et vous, Monsieur de Puisieux ? dit alors Tronçon.
    — L’amour filial, dit Puisieux, vrai chattemite qu’il
était, me fait un devoir d’accompagner mon père dans sa retraite et de veiller
sur lui.
    J’osai m’apenser en mon for que lorsque Louis apprit ces
réponses il eut peut-être quelques regrets et même quelques remords de ne pas
avoir proposé ce même marché à Schomberg, lequel eût fait comme on sait une
tout autre réponse que les Brûlart. J’augurai par là que l’exil de Schomberg ne
serait point peut-être éternel, et je pris la résolution que si Louis l’oubliait,
je ne faillirais pas à le remettre en sa remembrance.
     
    *
    * *
     
    Le vingt-huit mars, le temps étant fort beau pour la saison,
la Cour se transporta à Compiègne qui était, comme Saint-Germain-en-Laye, une
des résidences favorites de Louis en raison des bois fort giboyeux qui les
entouraient l’une et l’autre. Pour moi, ne me souciant guère de demeurer dix
heures en selle, je ne suivis le roi qu’une fois, le vingt-six mars, jour que
Sa Majesté employa si bien qu’en sept heures de temps elle prit deux cerfs,
deux loups, deux renards et un lièvre. L’un des loups était un mâle d’une
taille monstrueuse, bien plus gros que celui dont mon manant d’Orbieu avait
traversé la patte d’un carreau d’arbalète. Quand à la suite du roi je revins
enfin au château et eus démonté, le séant me doulait fort et je tenais à peine
sur mes jambes tant elles étaient moulues. J’observai que le roi, quant à lui,
boitait. À l’inspection, le docteur Héroard trouva qu’il s’était foulé le gros
orteil du pied par un appui forcé contre le côté de l’étrier.
    À Compiègne, en attendant les envoyés d’Angleterre qui
devaient négocier le mariage d’Henriette de France avec le prince de Galles et
les festivités qui devaient accueillir nos hôtes, ce n’étaient que jeux, bals,
feux d’artifice, concerts et comédies italiennes. Il me sembla qu’à la faveur
de ces divertissements et la douceur du temps aidant, les consignes concernant
le gynécée de la reine se relâchèrent quelque peu car Anne me parut plus belle,
plus douce et moins close sur soi. Et le roi, de son côté, plus attentif à
rechercher sa compagnie. J’appris par Héroard qu’en huit jours il avait couché
quatre fois en ses appartements et avec elle – rythme trop répété pour
qu’on le pût réduire à un devoir dynastique. Je m’étais donc trompé en pensant
qu’après la fureur de jalousie du roi et la clôture de la reine, tout s’était
entre eux irrémédiablement fané.
    Ce fut le vingt-sept mars, deux soirs après cette
longuissime chasse qui m’avait tant courbatu, que j’invitai à souper dans mon
petitime appartement de Compiègne (et bien content encore fus-je de l’avoir
trouvé) le père Joseph
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