Les reliques sacrées d'Hitler
venait de la Frick Collection. Horn connaissait déjà lâofficier supérieur Thomas Carr Howe de la MFAA qui était, avant la guerre, directeur du musée de la Légion dâHonneur de San Francisco. Probablement le plus important et le plus influent des historiens dâart en Californie, il avait aidé Horn à obtenir son poste à Berkeley.
Hammond reconnut que presque tous ses principaux collaborateurs étaient des conservateurs et des directeurs de musée. Ils sây connaissaient parfaitement en matière dâart. Mais aucun nâavait lâexpérience de Horn en matière de règlements de lâarmée, de procédures ou dâintérêts stratégiques militaires. Et ils nâavaient pas non plus cette familiarité si particulière du lieutenant avec lâAllemagne et lâart germanique. Câétait pourquoi, dit le commandant, il lui confiait cette mission à lui plutôt quâà un de ses officiers plus confirmés. Lâenquête des joyaux de la Couronne était une affaire délicate, quâil fallait traiter avec beaucoup de soin.
Le commandant ne le disait pas explicitement, mais le sous-entendu était évident. Il avait besoin de Horn parce quâil était allemand, quâil connaissait lâhistoire de lâAllemagne et que, en même temps, ce nâétait pas un nazi. Il avait prouvé sa fidélité à sa patrie dâadoption et disposait de toutes les accréditations nécessaires. Câétait aussi un universitaire, tout comme Hammond, sans aucun préjugé personnel ou professionnel sur la façon de conduire lâenquête. En dâautres termes, il ne cherchait pas à favoriser un musée en particulier, que ce soit en Europe ou aux Ãtats-Unis. Ce qui nâétait pas forcément le cas, à entendre Hammond, pour dâautres membres de son équipe ou, à un plus haut niveau, au sein du commandement de lâUSFET.
Qui plus est, Horn comprenait ce qui était en jeu.
Le lieutenant allait rejoindre un groupe dâélite, relativement petit, composé dâofficiers de la MFAA qui allaient bientôt superviser le plus grand transfert dâÅuvres dâart privées et publiques que le monde ait jamais connu. Pareilles à des parents qui cherchaient leurs enfants perdus à travers lâEurope, les victimes du pillage nazi â que ce soit des individus, des musées, des communautés ethniques ou religieuses, ou des pays entiers â recherchaient leurs trésors volés. Et les hommes de Hammond avaient la mission de les retrouver et de les rendre. Jamais les vainqueurs dâune guerre nâavaient assumé une telle responsabilité.
On était déjà sur le point de découvrir dâimportantes caches dâÅuvres dâart volées dans des châteaux, des entrepôts, des bunkers, des dépôts ferroviaires et des puits de mine allemands. Bien plus que ce que lâon soupçonnait et que ce que lâon voulait bien révéler au public. Au nord de Nuremberg, dans la mine de sel de Merkers et dans une mine proche à Heilbronn, des GI étaient tombés sur des collections dâÅuvres dâart inestimables qui comprenaient des toiles de Leonard de Vinci et des sculptures de Michel-Ange, avec des centaines de tonnes de lingots dâor et des millions de Reichsmarks et de dollars américains. La collection personnelle du Führer, destinée au « supermusée » quâil avait lâintention de faire construire dans sa ville natale de Linz, en Autriche, avait été découverte dans une mine de sel du village alpin dâAltaussee en Autriche. Une grande partie de lâénorme collection dâHermann Göring volée à la famille Rothschild à Paris avait été retrouvée dans un wagon à Berchtesgaden en Bavière, là où Hitler et dâautres dignitaires nazis possédaient des maisons. Ces milliers de chefs-dâÅuvre pillés, plus nombreux que les collections du Metropolitan Museum of Art à New York, du British Museum à Londres et du Louvre à Paris réunis, allaient bientôt être acheminés vers les nations auxquelles les nazis les avaient volés.
La mission de la MFAA était de retrouver et de protéger lâhéritage
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