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Les Nus et les Morts

Titel: Les Nus et les Morts
Autoren: Norman Mailer
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toujours mettre bas les armes ?
    Il se mit en ligne et se traîna lourdement au milieu de la colonne. Il ne regardait personne et personne ne le regardait. Tous se sentaient pitoyablement embarrassés. Chacun s’efforçait d’oublier comme il fut tenté de tuer Croft – et comment il manqua de courage.
    Tout en marchant Polack n’arrêtait pas de jurer à voix basse et monotone, pleine de mépris pour lui-même. « Sale con de lâche », s’injuriait-il, effrayé et bouleversé tout à la fois. Il avait laissé passer le moment propice, il avait, eu son fusil à la main et il ne s’en était pas servi. Jaune… jaune !
    Et Croft était de nouveau confiant. Ce matin-là ils escaladeront le pic de la montagne. Tout et tous se sont ligués pour le freiner, mais plus rien ne restait pour se mettre en travers de sa route, pas le moindre obstacle.
    Les hommes gravirent la pente, passèrent une autre falaise, et descendirent le long d’une jonchée de rocaille dans une nouvelle vallée. Enfilant une petite gorge Croft les mena vers une autre pente, et pendant une heure ils continuèrent à se hisser de roc en roc, couvrant parfois des centaines de mètres à quatre pattes dans une laborieuse avance le long d’une corniche à pic. Vers les dix heures du matin le soleil se fit très chaud, et chacun se retrouva une fois de plus sans forces. Croft les conduisait avec une grande lenteur, faisant entrecouper leur marche de haltes fréquentes.
    Ils traversèrent une ligne de sommets et prirent par une douce descente. Un énorme amphithéâtre leur faisait face, bordé en demi-cercle par des escarpements couverts de végétation. Revêtues de jungle, les falaises s’élevaient presque verticalement sur cinq cents pieds – la hauteur d’un gratte-ciel de quarante étages au moins, et là-dessus se haussait le pic de la montagne. Croft avait depuis longtemps noté cet amphithéâtre ; à des milles de distance, il lui avait apparu comme un collier passé autour du cou de la montagne.
    11 n’y avait pas moyen de le contourner ; de chaque côté de l’amphithéâtre la montagne chutait sur un millier de pieds. Il leur fallait aller droit devant et remonter la jungle. Croft ordonna une halte au pied de la falaise, mais l’endroit était en plein soleil et personne ne profita du repos. Au bout de cinq minutes ils se remirent en marche.
    La muraille de végétation n’était pas aussi impénétrable qu’il leur avait paru de loin. Zigzaguant comme une rampe, une litière de rocaille s’enfonçait là-dedans, pareille à des gradins informes. Il y avait là des îlots de bambous, des broussailles, des lianes, de rares arbres dont les racines sortaient horizontalement de la montagne et dont les troncs, faisant un L, s’élançaient vers le ciel ; il y avait de la boue bien entendu, due à l’égouttement des eaux de pluie, et les feuilles et lès branches et les ronces gênaient leur marche.
    C’étaient des gradins, mais mal commodes. Chaque homme avait le poids d’une valise amarrée au dos, et ils devaient gravir ce qui équivalait à quarante étages d’escaliers. De plus, les marches n’étaient pas d’une hauteur égale. Parfois ils devaient grimper des mains et des pieds une succession de rochers qui leur arrivaient à mi-corps, et parfois il leur fallait avancer à quatre pattes sur des pentes semées de galets et d’éclats de roche ; parfois, en vérité, chaque marche différait de la précédente en hauteur et en forme. Et, bien entendu, la végétation envahissait les gradins, en sorte qu’il leur fallait souvent dégager leur chemin et sabrer les lianes.
    Croft avait estimé qu’il leur faudrait une heure pour gravir la muraille de l’amphithéâtre, mais au bout d’une heure ils ne furent qu’à mi-chemin de leur montée. Les hommes se tortillaient derrière lui comme une chenille blessée. Ils ne s’avançaient jamais tous ensemble. Ils n’en finissaient pas de s’attendre les uns les autres. Ils progressaient par vagues, Croft ahanant en tête et les autres suivant par de courtes embardées semblables à des démarrages spasmodiques. Quand il arrivait à Croft ou à Martinez de saquer des fouillis de bambou à coups de machette, le reste de la colonne tombait simplement en arrêt. Çà et là les gradins s’élevaient d’un seul bond pour former des marches de terre boueuse de sept à dix pieds de haut, qu’ils escaladaient en s’agrippant aux racines.
    Une fois de plus les
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