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Les noces de fer

Les noces de fer

Titel: Les noces de fer
Autoren: Pierre Naudin
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faim » dévorèrent avec tant d’avidité les vivres qu’Édouard III leur avait fait remettre que, dans la nuit même de la levée du siège, plus de trois cents personnes moururent d’indigestion.
    Robert d’Avesbury n’entre pas dans les détails. Il dit que n’ayant rien à espérer de leur roi, les gens de Calais se rendirent à discrétion et que le souverain d’Angleterre, toujours porté à la clémence et à l’humanité, se contenta de retenir prisonniers quelques-uns des plus considérables et permit aux autres de s’en aller avec tous leurs biens.
    Édouard III ne fut peut-être pas si magnanime !
    Les Grandes Chroniques, au chapitre XLII, disent que les Calaisiens eurent la vie sauve et purent s’en aller en emportant seulement les vêtements qui les couvraient.
    Le continuateur de Nangis rapporte, lui, qu’ils eurent la permission de quitter la ville avec tous les effets qu’ils pourraient emporter avec eux ; suivis vitis et salvo quantum super se de bonis suis portare possent.
    Villani s’en prend, lui, au roi d’Angleterre. Il écrit qu’il accorda la vie aux étrangers (c’est-à-dire, probablement, à la garnison composée surtout de mercenaires) et qu’il exigea que les bourgeois se rendissent à discrétion, bien décidé à les faire tous pendre comme des pirates parce qu’ils avaient causé beaucoup de dommages à ses hommes, sur mer. Mais, à la prière des cardinaux et de la reine, sa femme, il leur accorda la vie. Ils quittèrent la ville nus, en chemise, n’emportant rien avec eux. On se doit de mettre en doute ce « témoignage » comme on a mis en doute celui concernant Crécy et les bombardes, sans conteste embarquées et amenées de l’île de Wight en Cotentin, mais absentes sur la butte du Val-aux-Clercs.
    Jean le Bel, dont on sait qu’il écrivait sous la dictée du sire de Beaumont, lequel penchait pour l’Anglais, rapporte l’épisode des six bourgeois placés devant le roi et la reine «  durement enchainte  » et la clémence d’Édouard III après l’intervention de son épouse : les prenant par leur corde, il les tira jusqu’à la reine. Rien ne prouve, si la scène eut bien lieu, qu’il les aurait fait pendre. N’était-ce pas plutôt une belle mise en scène pour affirmer son triomphe et sa magnanimité ?
    Gille Li Muisis était le plus proche de Calais, et rien de ce qui se passait à quelques lieues de l’abbaye de Saint-Martin de Tournai ne lui échappait. Il consacre 26 pages au siège de Calais, en rapporte beaucoup de particularités mais ne dit pas un mot de la scène touchante racontée par Froissart lequel, évidemment, l’emprunta à Jean le Bel. Car Froissart, alors, était âgé de neuf ans. Gilles Li Muisis se contente d’écrire que les habitants mourant de faim prirent le parti de se rendre sous la seule condition d’avoir la vie sauve et que le roi d’Angleterre, sachant l’extrémité où ils étaient réduits, leur envoya quatre tonneaux de vin et deux pains à chaque habitant ; qu’il retint prisonniers vingt-deux des plus considérables, qui étaient attachés à la France, et laissa sortir les autres dont il confisqua les biens.
    Commentant lui aussi cet épisode (pour le moins fumeux !) Joseph-Octave Delepierre, dans ses Chroniques des Flandres (Bruges, 1834) avoue son scepticisme :
    Je ne prétends pas tirer du silence de notre chronique sur les six bourgeois de Calais une conséquence bien formelle contre le récit de Froissart, mais si l’on se rappelle que notre auteur (Li Muisis) écrivait en même temps que l’événement, et dans une ville peu éloignée du lieu où l’on prétend que se passait la scène ; qu’il recueillait avec soin les faits mémorables et qu’il n’aurait pu ignorer un fait aussi éclatant que celui dont il s’agit ; qu’aucun écrivain contemporain, Anglais ou Français, n’en a parlé ; que Froissart est le premier qui, assez longtemps après, l’a raconté ; que cet historien se montre partout moins jaloux d’instruire par des récits véritables que de plaire par des récits intéressants ; si, dis-je, on fait ces réflexions, le silence de notre chroniqueur diminuera peut-être le poids du témoignage de Froissart.
    Gilles Li Muisis, loin de négliger de rapporter les faits de quelque importance, lorsqu’ils lui paraissent constants, en raconte, quelquefois, dont Froissart n’a jamais fait mention ; en voici un, du temps même dont nous
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