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Les Médecins Maudits

Les Médecins Maudits

Titel: Les Médecins Maudits
Autoren: Christian Bernadac
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glace.
    —  Ce soir-là, il devait être neuf heures, je venais de déposer mon dernier pain, un officier entra en compagnie de son chien. Je reconnus Himmler. Le docteur Rascher me fit une prise de sang puis me donna l’ordre de me déshabiller. On me fixa une ceinture de sauvetage. Brusquement je reçus un coup de pied et je tombai dans l’eau glacée. Himmler me demanda si j’étais rouge ou vert xv . Je lui dis que j’étais rouge. « Si vous aviez été vert vous auriez eu une chance de liberté. » Je ne sais pas combien de temps je restai dans l’eau glacée, ni ce qui m’arriva car je perdis connaissance. Lorsque je revins à moi, j’étais étendu dans un lit, entre deux femmes complètement nues qui essayaient de provoquer un acte sexuel, mais sans succès.

Ainsi donc la lourde plaisanterie d’Himmler sur le pêcheur transi qui se pelotonne dans le giron de sa femme pour retrouver chaleur et vigueur, était à la fois une histoire grivoise et un dogme scientifique. Himmler avait même entrepris le voyage de Dachau pour toucher des yeux sa découverte capitale. Nous possédons sur ce sujet hautement scientifique une collection impressionnante de lettres signées Himmler ou Rascher. Tout au long de la période Holzlöhner, le Reichsführer SS demandait timidement : « Et la chaleur animale ? » puis lorsque Rascher expérimenta seul, l’obsession sadique et sexuelle du second personnage de l’État pouvait éclater :
    —  J’ordonne que quatre femmes de Ravensbrück soient envoyées au docteur Rascher.
    —  Je suis très curieux des expériences réalisées avec la chaleur animale. Je crois que ces recherches nous apporteront les plus grands et plus durables succès. Il est possible naturellement que je me trompe.
    Rascher réceptionna les quatre prostituées de Ravensbrück. Ses yeux ne pouvaient plus se détacher de la plus grande : Ursula Krauss. Elle pouvait avoir vingt ans, belle, élancée, racée, blonde à rendre jaloux un régiment de purs aryens ; au milieu de ce visage parfait on ne voyait que deux grands yeux bleus, rieurs, câlins.
    —  Comment, s’écria Rascher, toi une femme allemande de race nordique, tu acceptes de livrer ton corps à des Juifs, à des êtres inférieurs, à des animaux.
    Elle répondit brutalement :
    —  Plutôt six mois dans un bordel que six mois dans un camp de concentration.
    Rascher avertit Himmler.
    —  …Elle présente indiscutablement les caractéristiques de la race nordique. Mes sentiments raciaux sont choqués par l’abandon de cette fille à des éléments racialement inférieurs du camp. Grâce à un métier bien choisi elle pourrait être remise sur le bon chemin. C’est pourquoi j’ai refusé de l’utiliser pour mes expériences.
    Le monde pouvait s’arrêter de tourner, Himmler et Rascher devaient sauver de la déchéance cette bonne aryenne. Le seul sentiment qu’ils possédaient, le « sentiment racial » s’indignait. Himmler dicta à son secrétaire une note destinée aux chefs de camp de concentration.
    —  Ursula Krauss mise sous la protection de l’État, appartient à cette catégorie de filles qu’on doit essayer de sauver pour le peuple allemand et pour leur propre vie ultérieure. J’ai découvert que des fous avaient dit aux prisonnières de Ravensbrück que celles d’entre elles qui seraient volontaires pour la maison de prostitution du camp, seraient libérées au bout de six mois.
    J’ordonne :
    1° Ne doivent être envoyées à la maison de prostitution du camp que les femmes qui ont apporté la preuve qu’elles ne pourraient jamais retrouver une vie régulière. Nous ne devons pas nous rendre coupables d’avilir une femme qui pourrait être sauvée pour le peuple allemand …
    2° Toutes les filles jeunes qui peuvent être encore sauvées doivent être séparées des plus âgées… Il faut faire une différence entre celles qui peuvent être réformées et celles qui seront sauvées définitivement… etc.
    L’histoire ne saura jamais si Ursula Krauss s’amenda. Une chose est certaine : elle ne s’allongea pas dans le lit de douleur du jeune ouvrier de Haarlem, Bernard Knol. Le 12 février 1943 les travaux obscènes du petit docteur se terminaient par l’envoi à son maître d’un assez court rapport qui devrait figurer dans toute bonne anthologie de la bêtise :
    —  Les sujets furent refroidis de la façon habituelle, nus ou habillés, dans de l’eau froide (température
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