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Les Médecins Maudits

Les Médecins Maudits

Titel: Les Médecins Maudits
Autoren: Christian Bernadac
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avait été choisi comme cobaye par le chef de camp et accompagné près de la piscine par le médecin de l’hôpital de Dachau.
    —  On fixa des fils à mon dos, puis dans le rectum et je dus remettre ma chemise et mon pantalon, puis un uniforme d’aviateur, une paire de bottes fourrées et une combinaison de vol.
    — On me plaça sous la nuque une chambre à air gonflée ; les fils furent reliés aux appareils et je fus jeté à l’eau. J’eus immédiatement très froid et je commençai à trembler. Je dis aux hommes qui étaient là que je ne pourrais pas supporter ce froid plus longtemps, mais ils rirent et me dirent que cela durerait très peu de temps. Je m’assis dans l’eau et gardai ma connaissance pendant une heure et demie approximativement. Pendant ce temps ma température s’abaissa lentement au début, plus rapidement ensuite ; d’abord 37,6, puis 33 et ensuite 30. Je devins à peu près inconscient. À ce moment, on me prenait du sang à l’oreille toutes les quinze minutes. On me donna une cigarette et bien entendu je n’avais pas envie de fumer. Cependant un de ces hommes me donna cette cigarette et l’infirmier qui se tenait auprès du bassin continua de la mettre dans ma bouche et de la retirer. J’en fumai la moitié. Puis on me donna un peu d’alcool, puis une tasse de rhum tiède. Mes pieds devinrent durs comme du fer, ainsi que mes mains, et ma respiration très courte. Je me remis à trembler. Une sueur froide perlait à mon front. Je me sentis sur le point de mourir et je leur demandai encore de me sortir de là.
    — Le docteur me donna alors quelques gouttes d’un liquide inconnu, douceâtre, puis je perdis connaissance. Lorsque je revins à moi, il était environ huit heures du soir et j’étais étendu sur un brancard recouvert de couvertures avec au-dessus des lampes chauffantes. Je dis que j’avais faim. Le médecin du camp donna des ordres pour que l’on me donne une meilleure nourriture.
    — Je mis longtemps à me rétablir. J’ai conservé une certaine faiblesse cardiaque ainsi que des maux de tête et très souvent des crampes dans les pieds. À mon arrivée au camp je pesais cent kilos, au moment des expériences cinquante-sept. »
    Il est évident que le père Michialowsky n’était pas volontaire et qu’il dut attendre, comme ses camarades, l’arrivée des Américains pour être libéré.
    Les expériences du professeur Holzlöhner et du docteur Rascher devaient se terminer au début du mois d’octobre 1942. Quatre-vingts déportés se succédèrent dans le bassin ; tous furent semble-t-il anesthésiés lorsque la douleur devenait insupportable. Tous furent sortis du bain glacé vivants. « Quinze ou peut-être même dix-huit », témoignera Neff, moururent alors que les médecins tentaient de les réchauffer.
    Si cette première partie de l’expérience est condamnable, il faut tout de même reconnaître qu’aucun sujet ne fut tué délibérément. L’« humanité » toute relative d’Holzlöhner devait indisposer fortement le petit médecin capitaine. Il respira enfin lorsque le patron déclara :
    —  Notre but est atteint, il est inutile de pratiquer d’autres expériences.
    Holzlöhner et Rascher rédigèrent leur rapport. Il serait plus juste d’écrire : le professeur Holzlöhner rédigea seul ce texte scientifique de plus de cinquante feuillets dactylographiés. Les conclusions étaient révolutionnaires à l’époque, les Américains les premiers le reconnurent. Un naufragé repêché continue à se refroidir lorsqu’il est sorti de l’eau, ce qui explique les nombreux cas de morts enregistrés après le repêchage. Il faut de suite baigner l’homme dans de l’eau chaude, c’est pour lui le seul moyen de survivre ; surtout ne lui donner ni alcool, ni médicaments. Les ceintures de sauvetage au début de la Seconde Guerre mondiale maintenaient le naufragé allongé sur l’eau et l’aidaient à mieux mourir car la nuque et l’occiput sont plus fragiles que le reste du corps ; désormais les ceintures de sauvetage devront soutenir le rescapé dans une position verticale, sa tête reposant sur un boudin de caoutchouc.
    Le médecin capitaine raccompagna le professeur Holzlöhner à la porte du camp et se précipita dans son laboratoire. Il était enfin le seul maître des lieux, les véritables travaux scientifiques pouvaient débuter.
    *
    * *
    Hendrik Bernard Knol approvisionnait toujours la « piscine » en
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