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Les Mains du miracle

Les Mains du miracle

Titel: Les Mains du miracle
Autoren: Joseph Kessel
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s’écria Kersten.
    Dichn répéta :
    — Himmler… Heinrich Himmler.
    — Ah ! Non ! merci
beaucoup ! dit Kersten. J’ai évité jusqu’ici toute relation avec ces
gens-là, je ne vais pas commencer par le pire.
    Il y eut un autre silence, beaucoup
plus long. Diehn reprit l’entretien avec un effort visible.
    — Je ne vous ai jamais rien
demandé, docteur, dit-il. Mais aujourd’hui, je me permets d’insister… Et aussi
bien de la part de Rosterg… Voyez-vous, Himmler et Ley [4] ont l’intention, paraît-il, de nationaliser l’industrie de la potasse. Rosterg
est le premier visé. Or, nous savons par expérience, lui et moi, l’influence
que vous pouvez prendre sur des malades, quand vous les empêchez de souffrir…
Alors, vous comprenez…
    Auguste Diehn se tut et baissa la
tête. Kersten considéra en silence le profil aux cheveux gris… Il se souvint de
la confiance absolue, de la tendresse paternelle que Diehn lui avait montrées
au début de sa carrière et de tous les clients importants, dont Rosterg
lui-même, qu’il lui devait. Et surtout, il devinait quel mal coûtait la requête
qu’il venait d’entendre, à un homme vieillissant, d’une dignité, d’une
délicatesse extrêmes. Mais, d’autre part, pensait Kersten, pourquoi approcher
Himmler, alors que, pour le confort de son esprit, pour sa sécurité intérieure,
il s’interdisait même de penser au régime dont le chef des S.S. et de la
Gestapo était la personnification la plus odieuse ?
    — Ce serait un grand service,
dit à mi-voix Auguste Diehn… Et puis votre devoir professionnel n’est-il pas de
soulager n’importe qui ?
    — Allons, je veux bien, soupira
Kersten.
     

2
    Fidèle à son besoin de tranquillité
mentale, Kersten s’efforça d’oublier la conversation qu’il avait eue avec Diehn
aussitôt qu’elle fut achevée. Il y réussit d’autant mieux que, pendant
plusieurs mois, rien ne la vint rappeler.
    Kersten était revenu depuis
longtemps à La Haye, lorsque, dans la première semaine de mars 1939, on
l’appela d’Allemagne au téléphone. Il reconnut la voix de Rosterg.
    — Venez tout de suite à Berlin,
lui dit brièvement le grand industriel. C’est le moment qui convient pour
l’examen dont, Diehn vous a parlé.
    Le système qu’employait Kersten
contre les pensées déplaisantes était vraiment efficace. Il ne comprit point ce
que voulait Rosterg et demanda, inquiet :
    — Diehn est malade ? Diehn
a besoin de moi ?
    Pendant quelques secondes, Kersten
n’entendit, plus que le grésillement des fils téléphoniques. Puis la voix de
Rosterg lui parvint de nouveau, mais plus basse d’un ton, et réservée,
réticente.
    — Il ne s’agit pas de Diehn
lui-même… Il s’agit d’un ami.
    Ce furent la soudaine prudence de
Rosterg et sa crainte manifeste d’une table d’écoute qui rendirent la mémoire à
Kersten : le nom que Rosterg n’osait pas prononcer était celui de Himmler.
    « Voilà…, songea Kersten. Ma
promesse… L’instant est venu… Je croyais bien pourtant que c’était oublié,
enterré…»
    D’Allemagne arriva de nouveau la
voix de Rosterg :
    — Vous savez bien…, cet ami
important.
    Le timbre était plus étouffé encore
et l’intonation plus rapide.
    Kersten serra très fort l’écouteur
entre ses doigts épais.
    Cette timidité, cet effroi latent et
secret chez un magnat, un potentat, un colosse du monde industriel et financier
lui donnaient le frisson. Il sentait physiquement, à travers cette voix si
impérieuse à l’ordinaire et maintenant apeurée, un affreux climat de méfiance,
de surveillance, de trahison, de terreur policière. Un climat irrespirable pour
les honnêtes gens.
    « Tant pis pour moi, pensa
Kersten. Rien ne m’obligeait à donner ma parole. »
    Il respira profondément, posément et
dit :
    — C’est bon. J’arriverai
demain.
     

3
    Dans Berlin, avant la guerre, et
alors que le fer et le feu n’avaient pas encore jeté bas la capitale du III e  Reich,
on pouvait voir, près de la place de Potsdam, au n°8 de la Prinz Albert
Strasse, un très grand immeuble sur lequel flottait un faisceau d’étendards à
croix gammée.
    Les drapeaux n’avaient rien qui pût
surprendre. Tous les bâtiments publics en étaient sommés. Et la maison –
sauf pour la taille – ressemblait aux autres, lourdes et grises, qui
l’environnaient. Pourtant, quand ils passaient devant elle, les gens marchaient
plus vite, ou baissaient la
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