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Les lions diffamés

Les lions diffamés

Titel: Les lions diffamés
Autoren: Pierre Naudin
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son arme, mais il hurla, cédant à son indignation :
    — Éloignez-vous, Canole ! Et sans plus tarder… Par ma foi, si je ne respectais les dispositions de mon seigneur envers votre personne, vous seriez mat, et hôte de Belzébuth maintenant.
    — J’aimerais mieux vous faire bénir vivants que morts, car j’ai aussi des presbytériens à mon service !
    — Va faire bénir ton cul, et par qui tu voudras !… Va même, larron, jusqu’en Avignon !
    L’insolence de Blanquefort outragea le routier :
    — Toi, vieille noix, aussi vrai que je me nomme Robert Knolles, je t’essorillerai !
    — Prends garde que ce ne soit moi ! Et en attendant, Goddon, retourne dans ta Grande Ile baiser le cul de ton roi !
    — Alors, soit, dit Robert Knolles en faisant reculer son cheval, et sans cesser de lever les yeux vers les créneaux. Nous nous retirons tous, dans l’immédiat, fort marris de votre entêtement. Mais c’est pour mieux prendre notre élan et vous tailler en pièces !
    Il semblait chercher un visage ; il le trouva :
    — Dieu te garde tout de même, Ogier. Tu me plaisais bien.
    — Votre malfaisante obstination me répugne.
    L’Anglais manœuvra son destrier, traversa comme une haie les rangs de ses picquenaires dont les hampes oscillèrent et se refermèrent, formant une cage mouvante où il dut se sentir à l’abri. Les tambours se remirent à tonner et les cornemuses couinèrent, tandis que les piétons et les cavaliers, en protestant et en tendant le poing vers les murailles, effectuaient un demi-tour.
    — Ne tirez pas, ordonna le baron. Obéissez tous… Nous avons, certes, sagettes et carreaux, armes et nourriture en abondance. Ce n’est pas une raison pour nous montrer outrecuidants et prodigues de notre bien. D’ailleurs, voyez : ils descendent…
    — Il fallait étendre mort ce Goddon, Hugues, reprocha tout à coup Saint-Rémy.
    — C’eût été déloyal, messire, même à l’égard d’un homme aussi infect.
    — C’est avec de telles fautes qu’on perd les guerres !
    Ogier, dont le sang bouillait, intervint :
    — Quelles fautes, vieillard, avez-vous donc commises pour que cent de ces malandrins aient conquis votre imprenable bastille ?
    — Allons, allons, intervint Guillaume, taisez-vous. Je ne tolérerai aucune brouille entre qui que ce soit… Tu es sauf, Saint-Rémy. Sache donc profiter de la vie et ferme un bon coup ta grande goule !
    — Ah ! oui, alors, approuva le sénéchal excédé.
    Ogier lui sourit, ce qui ne le dérida pas. Jean du Taillis s’approcha et ôta son chaperon :
    — Messires, je voudrais être auprès de vous quand ces hommes lanceront l’assaut.
    Guillaume eut une moue de mécontentement, mais Blanquefort recouvra le sourire :
    — Tu y seras. Je sais que tu sauras tenir l’arc et l’épée.
    Il passa brusquement sa dextre sur le crâne rasé du culvert. Cette familiarité vivace, incongrue, ébahit Ogier plus encore que son oncle.
    Il se tourna vers le donjon. Une robe rouge jouait à cache-cache avec les merlons. Tancrède.
    Les tambours s’étaient tus, les cornemuses également, mais les trompettes de cuivre et d’étain jouaient en sourdine. Soudain, les picquenaires se replièrent en désordre, suivis par Knolles, Briatexte et les connétables. Guillaume, penché, se releva :
    — Ils ont déjugué leurs bœufs et laissé leurs engins sur place, hors de portée de nos traits. Souhaitons qu’ils ne puissent les démonter pour venir les rassembler cette nuit devant nous.
    Renonçant à suivre les évolutions des envahisseurs que Knolles avait amenés à sa suite, Ogier considéra la multitude dont l’anneau bariolé ceignait la citadelle.
    — Sais-tu, dit Guillaume, j’avais proposé à Bressolles de tailler mon gisant dans la pierre. Il m’avait demandé : « Avec un lion ou un chien sous vos pieds ? » J’ai atermoyé. Il va partir sans avoir satisfait à ma demande… Toi, mon neveu, que préférerais-tu pour moi ?
    Ogier ne sut que répondre. Le lion, aux pieds du gisant, indiquait qu’il était mort en champ de bataille ou en combat à outrance. Alors, la cotte d’armes était ceinte, l’épée nue à dextre, l’écu à senestre, le heaume en tête, ventaille close. Ceux qui mouraient auprès des vaincus étaient figurés sans cotte d’armes, l’épée ceinte au côté du fourreau, la ventaille levée, grande ouverte, les mains jointes devant la poitrine, les pieds appuyés contre le dos
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