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Les Lavandières de Brocéliande

Les Lavandières de Brocéliande

Titel: Les Lavandières de Brocéliande
Autoren: Edouard Brasey
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s’était accompli. Que ce fût par divine providence, par caprice de fée ou malice du diable, peu importait, au fond. On était encore au temps des émerveillements. Les miracles, tout comme les maléfices, faisaient partie du quotidien. Cette époque – était-ce un mal ? était-ce un bien ? – était désormais révolue, et l’Église ne venait plus quémander à la fée les prodiges qu’elle ne savait faire advenir par des prières. Les gens de robe se tenaient à l’écart des demoiselles aux corps nus et ondoyants et préféraient en nier l’existence plutôt qued’être tentés d’en solliciter les grâces. Ils ne croyaient plus aux fées. Mais croyaient-ils seulement en Dieu ?
    – Maëlle, place-toi sur le côté de la fontaine, à droite d’Edern, continua Yann. Hubert, tu lui feras face, du côté opposé. Moi, je me tiens au bas-bout. Ainsi nous reconstituons le cercle de la vie qui ne peut être interrompu. Donnons-nous la main…
    Chacun saisit celle de son voisin ou de sa voisine, formant une chaîne humaine qui encerclait le trou d’eau frissonnante. Ils étaient cinq amis – à la vie, à la mort – unis comme les cinq doigts de la main, comme les cinq éléments de la nature – la terre, l’eau, le feu, l’air et l’ aether subtil des alchimistes –, comme les cinq saisons de l’année – hiver, printemps, été, automne et Samain, la Toussaint celte, qui est la saison des morts.
    Solenn sentait dans sa main droite la poigne rassurante d’Edern. Sa main gauche tenait la paume moite d’Hubert, qui gardait le visage baissé en un apparent recueillement. En réalité, il lorgnait les pieds déchaussés de Maëlle, qui observait du coin de l’œil Yann en accentuant la pression de sa main. Tout un jeu de connivences et de provocations se mêlait à leur communion.
    Un corbeau fendit l’air au-dessus d’eux avec un croassement sinistre.
    – Saleté de corbin ! jura Edern, qui lut dans le vol du rapace un présage mauvais.
    Les cinq adolescents rompirent le cercle sacré.
    – Maëlle, il est temps de donner les épilles …, ordonna Yann sans relever la remarque d’Edern.
    Lui aussi y avait vu un intersigne 5 , mais il était trop tard pour reculer. Ils devaient à présent interroger la fée.
    La noiraude ouvrit la boîte et la tendit au jeune couple. Tour à tour, Edern et Solenn y piochèrent une aiguille.
    Yann les fixa avec attention avant de continuer.
    – Edern, mon ami… Et toi, Solenn, sa bien-aimée… Vous êtes venus jusqu’ici pour questionner la fée sur l’avenir de votre union, et nous sommes là pour être les témoins de votre promesse. Vous allez faire offrande de vos épilles à la fée. Si elles surnagent à la surface, vous aurez tous deux une vie longue et heureuse ensemble. Si elles coulent au fond de l’eau, vous encourrez de grands malheurs. Selon que la fée acceptera ou non votre don, elle vous comblera de bienfaits ou vous accablera d’épreuves. Êtes-vous prêts à prendre ce risque ?
    Solenn jeta un regard en biais vers son promis. Elle l’aimait et ne pouvait concevoir sa vie sans lui. Elle se serait bien passée de la bénédiction de la fée. Après tout, qu’est-ce que ça changerait ? C’est Edern qui avait insisté. Non qu’il fût plus superstitieux qu’un autre, mais s’il était certain lui aussi de son amour et de la solidité de son engagement vis-à-vis de celle qu’il avait choisie, il anticipait des écueils et des chausse-trapes émanant de sa famille. Son père, le baron Alphonse Gaël de Montfort Brécilien, régnait en patriarche tyrannique sur son clan et réprouvait les amours paysannes de son aîné, qui serait un jour l’héritier du nom, du titre et des terres, comme le voulait l’ancienne loi de la noblesse. Il ne voulait point d’une mésalliance, d’un sang déracé , d’une trahison de caste. Il s’opposerait par tous les moyens à ce mariage, auquel Edern ne pourrait atteindre qu’en reniant famille et héritage, lorsqu’il serait majeur. Et encore devrait-il obtenir pour Solenn une dispense d’âge, que ses parents lui refuseraient peut-être, car les Bretons, nobles ou pas, naissent fiers et têtus. Et si les seigneurs ne veulent pas de paysannes comme brus, les gens du peuplene souhaitent pas davantage confier le sort de leurs filles à des gens hors de leur condition, qui ignorent tout du labeur de la terre. Edern, malgré toute la force de son amour, redoutait le poids de ces
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