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Les Lavandières de Brocéliande

Les Lavandières de Brocéliande

Titel: Les Lavandières de Brocéliande
Autoren: Edouard Brasey
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barrières sociales plus infranchissables que les échaliers de ronces et d’épines qui clôturaient les champs cultivés afin de dissuader les animaux errants d’y pénétrer. C’est pourquoi il attendait de l’invisible un signe qui le conforterait. Si la fée qui riait dans l’eau de Barenton leur apportait son aide, comme les marraines des contes, Edern se battrait avec plus de courage pour imposer son amour à la face du monde.
    – Nous sommes prêts ! clama-t-il en brandissant son aiguille.
    – Nous le sommes, répéta Solenn.
    – Dans ce cas, nous pouvons interroger la fée, reprit Yann. Mais avant, nous allons nous approcher de vous pour vous témoigner notre soutien.
    Les adolescents se serrèrent les uns contre les autres, épaules contre épaules, fusionnant en un seul corps.
    – À présent, jetez vos épilles , ordonna Yann.
    Edern et Solenn se regardèrent, échangèrent un sourire, puis s’apprêtèrent à lancer leurs aiguilles. Mais au moment où ils allaient s’exécuter, Hubert fit un faux mouvement et bouscula l’épaule de Solenn qui, pour garder l’équilibre, s’empara de la main d’Edern. Dans ce geste précipité, elle enfonça sans le vouloir la pointe d’acier dans la paume de son fiancé. Elle poussa un cri et, en voulant la retirer, se blessa à son tour. Une goutte de leurs sangs mêlés coula dans l’eau de la fontaine, en même temps que les aiguilles, enfin lâchées, qui s’abîmèrent dans les profondeurs de la source.
    Ce fut l’affolement. Pâles comme des morts, les promis s’écartèrent brusquement du bord de la fontaine où venaientde se noyer leurs espoirs. Hubert tremblait de tous ses membres. Maëlle, les yeux furieux, pointa vers lui un index vengeur.
    – C’est à cause de lui ! Il a donné un coup d’épaule à Solenn. Je l’ai vu !
    – Ce n’est pas vrai ! Je n’ai rien fait ! hurla Hubert.
    – Si ! C’est lui ! renchérit Maëlle. Il l’a fait exprès. Il est jaloux de son frère. C’est pour cela qu’il cherche à provoquer son malheur.
    – Tais-toi, sorcière ! jura à son tour le jeune homme aux abois. C’est toi qui es jalouse de Solenn parce qu’elle est plus belle que toi. Tu es noire comme les corbeaux, et comme eux, tu apportes le malheur.
    – Taisez-vous ! commanda Yann en se penchant au-dessus de la fontaine. Il faut conjurer le sort !
    Dans le creux de ses mains, il recueillit l’eau tachée pour la jeter hors de la fontaine. Il ne parvint qu’à remuer la terre gorgée de fer qui, se mêlant à l’eau, acheva de lui donner une coloration rouge sang. La fée avait rendu son verdict, et rien au monde ne pouvait désormais entraver le destin funeste qu’elle avait éveillé.
    Yann continuait à pagayer de ses bras, arrosant les pierres d’eau rougeâtre. Le perron de Merlin fut mouillé. Aussitôt, le ciel jusque-là si serein s’obscurcit. De lourds nuages noirs s’accumulèrent au-dessus de la forêt et un coup de tonnerre retentit.
    – C’est Barenton qui gronde ! gémit Maëlle. La fée est en colère, et va tous nous maudire. C’est votre faute à tous les deux. Hubert, qui a poussé Solenn, et Yann, qui a inondé le perron. Vous avez déchaîné les malheurs sur nos têtes.
    Edern et Solenn ne disaient rien. Médusés et impuissants, ils assistaient au naufrage de leurs noces. Yann, sidéré, s’était arrêté d’asperger les pierres et contemplait, le nez en l’air,les masses sombres qui se refermaient sur eux comme un linceul.
    La pluie commença à tomber. Quelques grosses gouttes grasses s’écrasèrent au sol, comme des morvelles. Puis d’autres suivirent, plus nombreuses. Bientôt, ce fut le déluge. Le ciel avait crevé d’un coup, vomissant sur la forêt des trombes d’eau qui ravinaient la terre et faisaient surgir des torrents de boue ferreuse. On eût dit que la forêt saignait elle aussi. Il faisait si noir que la nuit semblait être tombée d’un seul coup.
    En un instant, les cinq adolescents furent trempés des pieds à la tête. Leurs beaux habits de messe n’étaient plus que guenilles. Maëlle considérait avec effroi son casaquin gâché, ses jupes et cottes bonnes à tordre, ses galoches boueuses.
    – Mon père va me tuer ! se lamenta-t-elle. C’est que je n’ai pas de change du dimanche, moi.
    – Ce n’est pas moi ! Ce n’est pas ma faute ! continuait de crier Hubert, au bord de la crise nerveuse.
    – Mauvais ! cracha Maëlle. Tu es mauvais
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