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Les "Larmes" De Marie-Antoinette

Les "Larmes" De Marie-Antoinette

Titel: Les "Larmes" De Marie-Antoinette
Autoren: Juliette Benzoni
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l’intriguait : au lieu de se porter au secours de sa belle épouse, il laissait ce soin à un autre qui ne prenait même pas la peine de dissimuler ses sentiments.
    Crawford était un homme grand et massif dont le corps et la tête n’avaient pas l’air d’appartenir à la même époque. Si le premier admirablement habillé par un tailleur sans doute anglais était en phase parfaite avec le vingtième siècle, la seconde avec sa frange de cheveux grisonnants retombant d’une large calvitie sur le col du veston, son nez fort et ses yeux vifs derrière les petites lunettes rondes cerclées d’or offrait une indéniable ressemblance avec Benjamin Franklin. Ce qui ne semblait pas le tourmenter, bien au contraire. Il en jouait avec une certaine satisfaction, assurant même que la canne à pommeau d’or dont il étayait une légère claudication avait effectivement appartenu au père du paratonnerre dont il assurait tenir quelques gouttes de sang.
    Découvrant Aldo auprès de lui, il le regarda pardessus ses bésicles avec un sourire en demi-lune qui ne montrait pas les dents :
    — Drôle d’histoire, vous ne trouvez pas ? Si nous allions boire quelque chose d’un peu fort pour nous réconforter ?
    — Pourquoi pas ? Nous ne serions pas les seuls…
    La ruée vers le buffet s’était sans doute cassée net mais nombre d’invités désireux de se remettre de l’émotion se hâtaient de s’en souvenir, Gilles Vauxbrun le tout premier, armé à présent d’un verre dont il faisait avec précautions boire le contenu à sa belle amie.
    Les deux hommeseurent à peine le temps d’avaler un verre de champagnequ’un agent vint les prier de sortir : le commissaire Lemercier venait d’arriver et rassemblait sur la pelouse les témoins du drame :
    — Vous étiez tous présents, déclara celui-ci d’une voix forte. Il est donc impossible que personne n’ait rien vu. Ceux surtout qui étaient proches de ce malheureux. Mes inspecteurs et moi-même allons donc vous interroger les uns après les autres pour recueillir vos dépositions. Cela prendra un peu de temps, ce dont je vous prie de m’excuser, mais c’est indispensable !
    Aucune protestation ne se fit entendre. Rond de partout et sommé d’un chapeau melon qui lui donnait assez l’air d’une poire, le chef de la police versaillaise irradiait l’énergie et la mauvaise humeur par tous les pores de sa personne. Après s’être entretenu quelques minutes avec le ministre et l’ambassadeur américain qu’il ne retint pas longtemps et qui purent s’en aller, il déclara se réserver les membres du Comité et les pria de bien vouloir remonter avec lui vers Trianon dont les portes allaient être fermées afin qu’il puisse les entendre en toute tranquillité.
    Tandis que l’on regagnait le petit château, Marie-Angéline rejoignit Aldo et se pendit à son bras avec un sourire béat fort peu de circonstance :
    — Un meurtre ! Ici ! À Versailles ! fit-elle allègrement. Est-ce que ce n’est pas extraordinaire ?
    — Une chance que vous n’ayez pas dit « merveilleux » ! Vous n’avez pas honte, Marie-Angéline ?
    Elle fronça son long nez tout en maintenant sur sa toison frisée, qui la faisait ressembler à un mouton, le canotier de paille qu’une risée menaçait de déranger :
    — Pas du tout ! Je pressens là une de ces aventures comme nous les aimons !
    — Dites comme « vous » les aimez. Et je ne vois rien de romantique dans l’assassinat d’un homme déjà âgé qui venait peut-être ici en pèlerinage.
    — Rien de romantique ? Et le masque noir que le commissaire a mis dans sa poche, qu’est-ce que vous en faites ? Je suis sûre qu’il y avait quelque chose d’écrit sur l’envers.
    Le pire était qu’elle avait raison et que Morosini lui-même se posait des questions à ce sujet. Douée d’une imagination toujours prête à s’enflammer, « Plan-Crépin », comme l’appelait M me  de Som-mières, n’avait fait qu’exprimer à voix haute ce qu’il pensait. N’avait-il pas tout à l’heure tendu la main d’instinct vers l’accessoire de bal travesti apparu de façon si dramatique ? Pour ce qu’il en avait vu, la victime était un personnage terne, suffisamment bien vêtu pour ne pas détonner dans une assemblée aussi élégante mais sans distinction particulière. Un physique neutre, un visage quelconque, plutôt laid, et pas le moindre ruban à la boutonnière de sa jaquette… Qui
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