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Les Frères Sisters

Les Frères Sisters

Titel: Les Frères Sisters
Autoren: Patrick deWitt
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finir par me résigner, accablé. L’hôtel n’était plus qu’un tas de ruines, de même que les bâtiments adjacents   ; je repérai dans les décombres le poêle renversé. J’enjambai les poutres carbonisées, sachant que notre trésor avait disparu, et lorsque j’en eus l’indubitable confirmation, je retournai vers Charlie, qui était resté à cheval au milieu de la route inondée de soleil. «   Rien, lançai-je.
    â€” À boire   », lança-t-il en retour, la réponse la plus sensée et réfléchie que je l’aie jamais entendu prononcer. Cependant, maintenant que l’hôtel n’était plus, il n’y avait aucun endroit où boire un verre, où s’asseoir et s’enivrer, et nous dûmes acheter une bouteille d’eau-de-vie chez l’apothicaire et la vider en pleine rue, tels de vulgaires vauriens.
    Nous nous assîmes sur le trottoir en face des décombres de l’hôtel, et restâmes là à les observer. L’incendie était éteint depuis plusieurs jours, mais des volutes de fumée continuaient à s’élever en serpentant ici et là. Lorsque nous eûmes bu la moitié de la bouteille, Charlie demanda, «   Tu crois que c’est Mayfield qui a fait le coup   ?
    â€” Qui d’autre   ?
    â€” Il a dû rester, se cacher, et attendre que nous partions. On dirait bien que c’est lui qui a eu le dernier mot.   » J’acquiesçai et Charlie dit, «   Je me demande où est ta bonne amie.
    â€” Je n’y avais pas pensé.   » Ce qui m’étonna d’emblée puis me parut être dans l’ordre des choses.
    Quelqu’un arrivait sur la route   ; je reconnus l’homme en pleurs. Il menait son cheval, les joues ruisselantes de larmes, selon sa coutume. Il ne nous vit pas, ou ne nous reconnut pas   ; il était en train de se parler à lui-même à voix basse, l’air dévasté au dernier degré quand sa présence m’exaspéra soudain au plus haut point. Je ramassai une pierre et la lui jetai. Elle l’atteignit à l’épaule, et il me regarda. «   Va-t’en   !   » dis-je. Je ne saurais dire d’où me venait pour lui pareil élan de haine. Comme si j’avais voulu chasser une corneille d’un cadavre. Bon, j’étais ivre. L’homme en pleurs poursuivit sa misérable route. «   Je ne sais pas quoi faire maintenant, avouai-je à Charlie.
    â€” Mieux vaut ne pas y penser pour le moment   », me conseilla-t-il. Puis, abasourdi, il ajouta, «   Tiens donc, regarde, voilà l’amour de ma vie.   » Sa putain s’acheminait vers nous. «   Bonjour, machinette   », dit-il joyeusement. Elle se tenait devant nous, les mains tremblantes, débraillée, le bas de sa robe sale, les yeux rougis. Elle lança son bras en arrière et me jeta quelque chose à la figure. Il s’agissait des cent dollars que je lui avais laissés pour la comptable. Je regardai l’argent sur le sol et me mis à rire, même si je savais que cela signifiait que ma douce amie était morte. C’est donc que je n’ai pas dû aimer cette femme, pensai-je. J’ai dû aimer l’idée qu’elle m’aime, et l’idée de ne pas être seul. En tout cas, je n’éprouvais aucune tristesse, et levant les yeux vers le visage affligé de la fille, je lançai, «   Et alors   ?   » Elle lâcha un crachat et s’éloigna. Je ramassai les pièces par terre et donnai à Charlie cinquante dollars qu’il glissa dans sa botte, en soulevant délicatement son petit doigt vers le ciel. Je mis ma part également dans ma botte, et nous éclatâmes tous deux de rire, comme si la scène était le summum du comique contemporain.
    Nous étions assis par terre à présent, la bouteille presque vide. Je crois que nous nous serions endormis en pleine rue si la putain de Charlie n’était pas revenue avec toutes les autres filles. Elles s’étaient massées autour de nous et nous regardaient, scandalisées. Maintenant que Mayfield n’était plus là et que l’hôtel n’existait plus, elles vivaient toutes des moments difficiles   : leurs cheveux n’étaient plus parfumés, et
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