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Les Filles De Caleb

Titel: Les Filles De Caleb
Autoren: Arlette Cousture
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mal-là, Émilien, n’est rien comparé à son mal à lui. Quand tu seras grand, Émilien, si tu n’es pas satisfait de mes réponses, tu iras le voir et tu lui demanderas.
    Le train ne bougeait toujours pas. Émilie sentit l’angoisse lui serrer la poitrine. Elle aperçut le conducteur et se dirigea vers lui pour lui demander la raison de l’arrêt. Elle eut conscience qu’elle n’avait pas remis ses souliers, mais continua de marcher sur ses bas. Pas besoin d’avoir des gros sabots, Émilie, pour faire ton chemin. Même sur la pointe des pieds tu peux te rendre d’un endroit à l’autre. Même sur la pointe des pieds tu peux marcher d’un pas ferme. Même sur la pointe des pieds... Elle était à la hauteur du conducteur. Il lui expliqua que le train s’était arrêté pour attendre qu’un convoi de marchandises prenne une voie de côté pour les laisser passer. Ce deuxième train venait de l’Abitibi et accusait un retard. Dès qu’ils le pourraient, ils repartiraient. Émilie le remercia et revint près de ses enfants. Rassurée. Elle replaça une mèche sur le front de Paul. Paulo, toi qui es toujours sérieux, qui réfléchis toujours, penses-tu que ton père, lui aussi, a eu le temps de voir ce train-là? Penses-tu que ton père aussi a eu le temps de penser que lui et nous, nous croiserions le même train? Dors, Paulo. Je te pose des questions trop compliquées.
    Mon gros Clément...avec des poings aussi gros que ta tête. Tu es comme ton père, Clément, quand ton père réglait tous ses problèmes avec ses poings. Un jour, Clément, je vais te raconter comment il avait assommé un de mes anciens élèves. J’ai déjà dit que Marie-Ange avait un nom mensonger, parce qu’elle est loin d’être un ange. Toi aussi, Clément, tu as un nom mensonger. La clémence, Clément, c’est de la douceur. Peut-être qu’en vieillissant, Clément, tu vas apprendre la douceur. La paix.
    Émilie retourna à son banc après avoir vérifié si Blanche dormait paisiblement. Blanche souriait. Tu peux bien sourire, ma Blanche. Je le sais que tu n’as jamais aimé Shawinigan. Tu souris parce que tu retournes à Saint-Tite. Pour rire avec tes oncles Ovide et Edmond. Pour te jeter à l’eau au lac. Pour être en classe, sage comme une image. Pour continuer à faire croire que tu es docile. Mais moi, Blanche, je sais. Je sais que derrière tes grands yeux bleus, se cache le bleu de la volonté d’acier. Ta douceur est presque apeurante, Blanche, quand on sait toute la force qu’elle cache. Dors bien, ma belle petite Blanche. Je suis certaine que tu as toute une vie devant toi et que tu as déjà besoin de sommeil.
    Emilie regarda Jeanne et Alice par leur reflet dans la fenêtre. Elle sourit doucement. Si je faisais le trio des sourcils froncés, Jeanne, je serais obligée de t’inclure. Avec Marie-Ange. Avec Clément. Mais c’est tellement normal. Tu passes des heures et des heures à suivre Clément. Tu l’as même respiré dans mon ventre, toi, celle qui l’a suivi. On verra, Jeanne. On verra bien. C’est vrai que la vie nous fait froncer les sourcils. Mais la vie nous les fait soulever aussi. Tu as les sourcils soulevés, Jeanne. Des sourcils pour rire.
    Alice...aux yeux de la même couleur que ma robe de mariée. Aux yeux de la couleur de la Batiscan, quand le soleil la rend coquette. Tu as sa clarté dans les yeux, Alice. Et son murmure dans la voix. Fais-moi penser, Alice, de te raconter l’histoire de ma robe de mariée que ton père et moi on a enterrée.
    Le train eut un hoquet. Emilie regarda Rose reprendre possession de sa main et la glisser sous sa cuisse. Rose, ma fleur. Petite de cœur dans ton grand corps. C’est difficile, je le sais, d’être à la frontière de deux mondes. Celui de l’innocence et celui de la peur. Mais je suis là, Rose. Je te tiendrai toujours la main. Ensemble, toi et moi, on va découvrir que le monde n’est pas rempli uniquement de livres et de savants. Dans le monde, Rose, il y a des gens de cœur, comme toi. Le train eut un second hoquet. Il commença à rouler, doucement d’abord, puis de plus en plus rapidement. Émilie chercha à voir ce train qui arrivait d’Abitibi. Elle ne vit qu’une ombre tapie le long de la voie. Elle referma les yeux et chantonna au rythme que lui dictaient les essieux et les joints de la voie. Venez divin Messie... Puis, ce sont ses pensées qu’elle rythma. Demain, le soleil va se lever. Demain, le soleil va briller. Demain..
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