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Les Essais

Les Essais

Titel: Les Essais
Autoren: Michel de Montaigne
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tristesses et douleurs,
mais elle engendre celle de la repentance : qui est plus
griefve, d'autant qu'elle naist au dedans : comme le froid et
le chaud des fiévres est plus poignant, que celuy qui vient du
dehors. Je tiens pour vices (mais chacun selon sa mesure) non
seulement ceux que la raison et la nature condamnent, mais ceux
aussi que l'opinion des hommes a forgé, voire fauce et erronee, si
les loix et l'usage l'auctorise.
    Il n'est pareillement bonté, qui ne resjouysse une nature bien
nee. Il y a certes je ne sçay quelle congratulation, de bien faire,
qui nous resjouit en nous mesmes, et une fierté genereuse, qui
accompagne la bonne conscience. Une ame courageusement vitieuse, se
peut à l'adventure garnir de securité : mais de cette
complaisance et satisfaction, elle ne s'en peut fournir. Ce n'est
pas un leger plaisir, de se sentir preservé de la contagion d'un
siecle si gasté, et de dire en soy : Qui me verroit jusques
dans l'ame, encore ne me trouveroit-il coupable, ny de l'affliction
et ruyne de personne : ny de vengeance ou d'envie, ny
d'offence publique des loix : ny de nouvelleté et de
trouble : ny de faute à ma parole : et quoy que la
licence du temps permist et apprinst à chacun, si n'ay-je mis la
main ny és biens, ny en la bourse d'homme François, et n'ay vescu
que sur la mienne, non plus en guerre qu'en paix : ny ne me
suis servy du travail de personne, sans loyer. Ces tesmoignages de
la conscience, plaisent, et nous est grand benefice que cette
esjouyssance naturelle : et le seul payement qui jamais ne
nous manque.
    De fonder la recompence des actions vertueuses, sur
l'approbation d'autruy, c'est prendre un trop incertain et trouble
fondement, signamment en un siecle corrompu et ignorant, comme
cettuy cy la bonne estime du peuple est injurieuse. A qui vous fiez
vous, de veoir ce qui est louable ? Dieu me garde d'estre
homme de bien, selon la description que je voy faire tous les jours
par honneur, à chacun de soy.
Quæ fuerant vitia, mores
sunt
. Tels de mes amis, ont par fois entreprins de me
chapitrer et mercurializer à coeur ouvert, ou de leur propre
mouvement, ou semons par moy, comme d'un office, qui à une ame bien
faicte, non en utilité seulement, mais en douceur aussi, surpasse
tous les offices de l'amitié. Je l'ay tousjours accueilli des bras
de la courtoisie et recognoissance, les plus ouverts. Mais, à en
parler à cette heure en conscience, j'ay souvent trouvé en leurs
reproches et louanges, tant de fauce mesure, que je n'eusse guere
failly, de faillir plustost, que de bien faire à leur mode. Nous
autres principalement, qui vivons une vie privee, qui n'est en
montre qu'à nous, devons avoir estably un patron au dedans, auquel
toucher nos actions : et selon iceluy nous caresser tantost,
tantost nous chastier. J'ay mes loix et ma cour, pour juger de moy,
et m'y adresse plus qu'ailleurs. Je restrains bien selon autruy mes
actions, mais je ne les estends que selon moy. Il n'y a que vous
qui scache si vous estes láche et cruel, ou loyal et
devotieux : les autres ne vous voyent point, ils vous devinent
par conjectures incertaines : ils voyent, non tant vostre
naturel, que vostre art. Par ainsi, ne vous tenez pas à leur
sentence, tenez vous à la vostre.
Tuo tibi judicio est utendum.
Virtutis et vitiorum grave ipsius conscientiæ pondus est : qua
sublata, jacent omnia
.
    Mais ce qu'on dit, que la repentance suit de pres le peché, ne
semble pas regarder le peché qui est en son haut appareil :
qui loge en nous comme en son propre domicile. On peut desavouër et
desdire les vices, qui nous surprennent, et vers lesquels les
passions nous emportent : mais ceux qui par longue habitude,
sont enracinez et ancrez en une volonté forte et vigoureuse, ne
sont subjects à contradiction. Le repentir n'est qu'une desdicte de
nostre volonté, et opposition de nos fantasies, qui nous pourmene à
tout sens. Il faict desadvouër à celuy-là, sa vertu passee et sa
continence.
    Quæ mens est hodie, cur eadem non puero
fuit,
Vel cur his animis incolumes non redeunt genæ ?
    C'est une vie exquise, celle qui se maintient en ordre jusques
en son privé. Chacun peut avoir part au battelage, et representer
un honneste personnage en l'eschaffaut : mais au dedans, et en
sa poictrine, où tout nous est loisible, où tout est caché, d'y
estre reglé, c'est le poinct. Le voysin degré, c'est de l'estre en
sa maison, en ses actions ordinaires, desquelles nous n'avons à
rendre
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