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Les 186 marches

Titel: Les 186 marches
Autoren: Christian Bernadac
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une partie de l’épopée napoléonienne est tissée de gloire et de victoires, pourquoi à notre tour ne la contemplerions-nous pas cette victoire si radieuse et que nous parons si richement ? D’autant que le train qui circule sur la voie ferrée, en contrebas, est éloquent pour nous qui sommes sevrés d’informations, ensevelis par anticipation et pour qui l’âcre et fade fumée du crématoire remplace celle de l’encensoir de la liturgie des funérailles. Grand express international, il porte d’abord des panneaux « Paris-Wien ». Le temps passant, si l’on peut toujours lire le nom de la gare d’arrivée « Wien », les changements qui surviennent dans le nom de la gare de départ permettent de jalonner la marche des armées alliées. Aussi, lorsqu’un jour le train indique « München-Wien », il n’est plus possible de douter que la victoire n’est plus loin, et qu’il faut la mériter avec une courageuse obstination.
    – Cette victoire tant espérée, pour laquelle tant de sacrifices auront été consentis, et à laquelle, hélas ! tant de mes camarades n’assisteront pas. Mais ce train sur la voie ferrée le long du Danube, quel réconfort moral !
    – Enfin, l’inestimable expérience humaine vécue. Découvrir que la mince pellicule des conventions sociales, des idéologies, des croyances revêt toujours un homme identique à soi, qui peut atteindre à la véritable grandeur dans la mesure où il découvre et accepte ses faiblesses. Approcher et comprendre cette richesse inépuisable : l’éminente dignité de l’homme. S’imposant avec une clarté d’autant plus aveuglante qu’elle est trahie, déformée, méconnue. Ah ! mes camarades de Compiègne, de Mauthausen, de Melk et d’Ebensee, je ne vous dirai jamais assez combien je vous suis reconnaissant pour l’enseignement irremplaçable que j’ai reçu à vos côtés et qui constitue l’inaltérable trame de mes sentiments d’aujourd’hui.
    – Mais trente ans après, un ancien déporté dispose-t-il d’assez de force convaincante pour que ce témoignage soit compris des générations qui vont lui succéder ? Voilà l’angoissante inquiétude qui le paralyse lorsqu’on lui demande de parler de ces événements désormais lointains, mais qui demeurent encore vivants dans le cœur et la mémoire. Car il lui faut alors évoquer un monde qu’il a connu et que l’imagination la plus malfaisante ne laissait pas deviner. Un monde construit comme un théorème sur des axiomes faux, une machine à broyer les chairs, les os, la pudeur, la volonté et la dignité. La résistance devenait alors une lutte pour l’esprit. Dans la société concentrationnaire qui condamnait la société qui l’avait créée, l’esprit vécut.
    – A défaut d’hallucinantes descriptions d’horreurs, qui ont cependant réellement existé, hélas ! j’ai tenté de vous dire comment un déporté pouvait parvenir, par le rêve, l’histoire, la géographie et malgré les vicissitudes du temps présent, à se constituer une réserve suffisante de force morale, pour oser cette gageure : demeurer, souvent avec beaucoup de difficultés, parfois peut-être maladroitement, un homme disponible dans l’enfer inhumain de l’univers concentrationnaire.
    UNE HEUREUSE COÏNCIDENCE
    De tous les dirigeants du III e Reich, l’architecte Albert Speer, ministre de l’Armement par « obligation », connut un destin surprenant, peut-être tout simplement parce que Adolf Hitler se retrouvait en lui et aimait se retrouver en lui. Après la disparition de Fritz Todt, le « génial constructeur », le Führer n’eut plus d’estime et d’amitié que pour Speer. Speer, timide, modeste, effacé et dont l’intelligence rayonnante détonnait dans cet environnement médiocre, n’eut jamais à forcer cette « protection » embarrassante, mais efficace, qui le propulsait vers le pouvoir. Speer, criminel de guerre, plaida coupable. Il fut le seul à Nuremberg. Faut-il voir dans cet aveu une manœuvre pour surprendre et affaiblir ses juges, ou tout simplement une sincère prise de conscience ? Pour avoir rencontré Albert Speer, après sa libération de Spandau, je pencherai pour la seconde proposition… mais sans le jurer.
    – Nous coifferons Paris et Vienne !
    Hitler a sûrement prononcé cette phrase mille fois devant son architecte.
    – Oui, Berlin sera la ville. Et Paris et Vienne seront oubliés.
    Le Führer sortait alors d’un tiroir un
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