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L'épopée d'amour

Titel: L'épopée d'amour
Autoren: Michel Zévaco
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Dieu, je te remets mon âme, et te prie de lui faire grâce !
    A ce mot de sang, à ce mot de grâce, il se souleva subitement, ses yeux s’ouvrirent avec un indicible effroi, ses dents se mirent à claquer… la crise, la redoutable crise qui l’avait si souvent terrassé, s’abattait sur lui…
    Les ombres du crépuscule envahissaient la chambre.
    La nuit venait…
    Charles, assis sur son lit, les jambes pendantes, d’un geste d’horreur, repoussait de la main droite les spectres qui, peu à peu, envahissaient la chambre, tandis que de la main gauche, il cherchait à remonter la couverture jusqu’à son cou, comme pour se cacher.
    – Du sang ! gronda-t-il. Qui a répandu tant de sang ?… Grâce ! Qui donc crie grâce et pitié ?… Qui êtes-vous ? Est-ce toi, Coligny ? Et toi, Clermont, que veux-tu ? Et toi, La Rochefoucauld ? Et toi, Cavaignes ? Et toi, La Force ? Et toi, Pont ? Et toi, Ramus ? Et toi, Briquemaut ? Et toi, La Trémoille ? Et toi, La Place ? Et toi, Rohan ? Que me voulez-vous ? Et vous tous, pourquoi entrez-vous ici ? Oh !… la chambre se remplit… il y en a partout, partout, dans le couloir, dans la galerie, dans le château, dans la cour… Ils montent ! Ils viennent tous ! Qui êtes-vous ? Que voulez-vous ? A moi ! à moi ! Oh ! c’est affreux ! Quoi ! vous me voulez tuer ?… Non… oh ! les voici qui tournent vers moi leurs yeux d’effroi, qui tordent leurs mains et me tendent les bras ! Grâce ! Pitié ! Non, ce n’est pas ma mort qu’ils veulent… ils me demandent grâce ! Ah ! taisez-vous ! Vos voix me déchirent le cœur ! Arrêtez ! Ne criez plus ainsi !… Des femmes, maintenant ! Que veulent-elles ? Grâce ! Pitié ! Elles m’entourent ! Ne pleurez pas, femmes ! Ne pleurez pas ainsi ! Tuez-moi plutôt !… Quoi ! Des enfants, maintenant ? Pauvres petits ! déchirés, poignardés, égorgés ! Oh ! ne me touchez pas de vos petites mains glacées ! Ne criez pas ! ne pleurez pas ! Oh ! comme ils crient ! Tous ! enfants et femmes et hommes ! Quels effroyables gémissements ! Quels cris d’agonie ! Que sont ces mugissements par les airs ? Les cloches ! les cloches ! Cela hurle dans ma tête ! Cela rugit ! Assez ! Arrêtez ! Grâce !…
    Charles IX se tut subitement. Sa voix qui, peu à peu s’était enflée, se termina par une plainte affreuse.
    Alors, il prit sa tête à deux mains et pleura.
    Ses larmes glissaient, brûlantes, corrosives, sur ses joues livides. Il murmurait :
    – Mon Dieu ! mon Dieu ! pardonnez-moi !
    Tout à coup, il tendit ses bras décharnés vers cette foule de fantômes qui l’entourait.
    – Pardon ! Oh ! pardon !… Que de malédictions sur moi ! Quelles sont ces voix qui me vouent à l’éternelle damnation ?… Pardon ! Pardon ! Ayez pitié !… Non ! pas de pitié pour celui qui n’en eut pas ! Seigneur ! Ils me maudissent, tous, tous !…
    Il retomba sur son lit, hagard, écumant, pantelant !…
    Il s’enveloppa des couvertures, tâchant de cacher sa tête, grelottant claquant des dents…
    La chambre demeurait silencieuse.
    La nuit devenait sombre au dehors. Mais la chambre s’était éclairée de flambeaux.
    En effet, maintenant, des êtres se glissaient vers ce lit où hoquetait l’épouvantable agonie… non pas des fantômes, mais des vivants… des courtisans… le duc d’Anjou… et toute noire, sinistre, effrayante, Catherine de Médicis !…
    La vieille reine se pencha sur le lit et murmura :
    – Mon fils…
    De sa main glacée, elle toucha le roi au front.
    Charles IX jeta une stridente clameur d’épouvante, chercha à repousser cette main, se souleva, les yeux hagards, fou de terreur, fou de remords, rejeta les couvertures…
    Et alors, tout à coup, il regarda autour de lui, sur le lit, avec une expression d’angoisse telle que les peintres du moyen âge en donnent aux damnés de l’enfer.
    Il eut un râle, un souffle :
    – Du sang !…
    Et cette fois, ce n’était plus une illusion !
    Il y avait réellement du sang dans le lit ! Les draps étaient piqués de petites taches rouges ! Et c’était du sang ! Une affreuse transpiration d’agonie et de délire coulait sur le corps du mourant. Et c’était du sang ! Charles IX suait du sang [36] . Sa poitrine était à nu. De ses ongles, il avait lacéré sa chemise. Ses bras se tordaient, tordus par la crise.
    Et tout ceux qui étaient là se regardèrent avec des yeux
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