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Le Troisième Reich, T1

Le Troisième Reich, T1

Titel: Le Troisième Reich, T1
Autoren: William Shirer
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pouvoir « Il ne dit pas un
mot ; nous non plus, écrit Gœbbels ; mais ses yeux sont remplis de
larmes (6). »
    Le soir même, et jusqu’aux premières heures du matin, la parade
aux flambeaux des S. A. en délire défila pour célébrer la victoire. Par
dizaines de milliers, en colonnes disciplinées, ils débouchaient des
profondeurs du Tiergarten, passaient sous la monumentale porte de Brandebourg et
descendaient la Wilhelm strasse ; leurs musiques jouaient des airs
martiaux, scandés par les roulements tonitruants des tambours ; leurs voix
hurlaient tantôt le récent Horst Wessel Lied [2] ,
tantôt des chants aussi vieux que l’Allemagne elle-même ; leurs lourdes
bottes s’abattaient en cadence sur le sol ; leurs torches, tenues à bout
de bras, formaient un ruban de flammes qui illuminait la nuit et suscitait les
hourras de la foule massée sur les trottoirs.
    A une fenêtre de son palais Hindenburg contemplait la troupe en
marche, battant la mesure avec sa canne, apparemment satisfait d’avoir enfin
mis la main sur un chancelier capable de soulever l’enthousiasme populaire
selon un rite traditionnellement allemand. Au reste, il est douteux que le
vieillard, en son intelligence vacillante, ait perçu les forces qu’il
déchaînait ; toujours est-il qu’une rumeur, probablement suspecte, courut
bientôt dans Berlin : s’étant tourné vers un général de sa suite, il lui
aurait dit : « J’ignorais que nous avions fait autant de prisonniers
russes. »
    Un peu plus loin dans la Wilhelmstrasse, Adolf Hitler se tenait
debout à une fenêtre ouverte de la Chancellerie. Hors de lui, sautant de joie, il
ne cessait de lancer son bras en avant pour le salut nazi ; tantôt il
souriait ou riait aux éclats, tantôt il avait les yeux pleins de larmes. C’est
dans une disposition d’esprit très différente qu’un observateur étranger
assista au déroulement de cette soirée : « Le fleuve de feu, note
François-Poncet, passe devant l’ambassade de France, d’où je regarde, le cœur
serré, étreint de sombres pressentiments, son sillage lumineux (7). »
    Fatigué, mais heureux, Gœbbels ne rentra chez lui qu’à trois
heures du matin. Avant de se coucher, il nota dans son journal : « C’est
presque comme un rêve… un conte de fées. Le Nouveau Reich est né. Quatorze
années de travail sont couronnées par la victoire. La Révolution allemande est
en marche (8) ! »
    Ce Troisième Reich, dont l’avènement eut lieu le 30 janvier
1933, Hitler proclama orgueilleusement qu’il durerait mille ans (9) et, dans le
jargon nazi, on l’appelait souvent « le Reich millénaire ». En fait, il
atteignit douze ans et trois mois ; mais en cette période, courte par
rapport à l’Histoire, il suscita sur notre planète une éruption plus violente
et plus dévastatrice que toutes les précédentes, car elle amena le peuple
allemand à un niveau de puissance qu’il n’avait pas connu depuis plus de mille
ans, en fit pour un temps le maître de l’Europe, de l’Atlantique à la Volga, du
cap Nord à la Méditerranée ; mais il le plongea ensuite dans les abîmes de
la désolation et du désespoir, au terme d’une guerre mondiale que son État
avait préparée de sang-froid et d’un règne de terreur qui, par ses massacres
délibérés et par son mépris des valeurs spirituelles, laisse loin derrière lui
les plus féroces oppressions des temps passés.
    Le fondateur du Troisième Reich, celui qui le mena d’une poigne
de fer – souvent d’ailleurs avec une rare habileté – celui qui le haussa jusqu’aux
cimes et qui fut la cause de sa fin tragique, était sans aucun doute, et malgré
ses méfaits, un homme de génie. Certes, il trouva dans le peuple allemand, modelé
par le mythe d’une destinée mystérieuse et par des siècles d’histoire, un
instrument propre à ses desseins, un outil qu’il sut perfectionner et adapter à
la poursuite des buts sinistres qu’il voulait atteindre Mais, sans Adolf Hitler
– doué d’une personnalité diabolique d’une intuition surnaturelle, d’une
intelligence hors ligne, d’une détermination inébranlable et impitoyable et, jusque
vers la fin (alors que, ivre de puissance et gorgé de succès, il se croyait
tout permis) d’une stupéfiante aptitude à peser les hommes et les situations – il
est presque certain qu’il n’y aurait jamais eu de Troisième Reich.
    « C’est un des grands exemples du pouvoir incalculable et
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