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Le temps des illusions

Le temps des illusions

Titel: Le temps des illusions
Autoren: Evelyne Lever
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et les hommes de lettres sans jamais paraître ennuyée de ce qu’elle ne comprend pas. Elle préside avec un tact rare ces réunions et lorsqu’elle sent ses hôtes prêts à dépasser les limites qu’elle tient à leur imposer, elle déclare simplement : « Allons, voilà qui est bien. » D’aprèsMarmontel, elle s’offre une compagnie amusante et une existence honorable pour sa vieillesse avec le même aréopage que sa rivale Mmedu Deffand.
    C’est le comte deCaylus qui a suggéré à Mme Geoffrin de recevoir des artistes. Archéologue et amateur d’art, auteur de comédies, il se passionne pour l’Antiquité et prêche pour le retour à l’imitation du monde antique. Caylus « le grand croquant » anime les soirées du lundi qui sont, si l’on peut dire, plus débraillées que celles du mercredi. Ces hommes de talent ont souvent peu d’instruction, leur culture laisse à désirer et leur conversation est très libre.Boucher, toujours disert, manque de noblesse et peint Vénus et la Vierge d’après les nymphes des coulisses. Son langage se ressent des mœurs de ses modèles et du ton de son atelier.La Tour, plutôt mélancolique, se pique de philosophie mal digérée. Si l’on en croit Marmontel, le savant architecte Soufflot aurait « sa pensée inscrite dans le cercle de son compas ». JosephVernet, peintre de marines, se montre peu expansif, mais Carle VanLoo secoue l’assemblée de ses plaisanteries et de son gros rire. Mme Geoffrin convie parfois à ces lundis des amateurs d’art comme le duc de la Rochefoucauld, l’abbé deSaint-Nom, le dessinateurCochin.
    Mme Geoffrin ne se contente pas de réunir les écrivains et les artistes pour son seul plaisir. Elle les aide en faisant vendre les livres des uns et les tableaux des autres. « Je les fais beaucoup travailler, dit-elle, je les caresse, je les loue, je les conseille. » Elle en subventionne plus d’un, ce dont elle ne se vante jamais. Elle vient d’acheter àVien La Douce Mélancolie et quatre grandestoiles représentant les quatre saisons sous les traits de femmes vêtues à l’antique.
    « Je me compare à un petit arbre tout rond qui a des branches de tous côtés, disait-elle naguère àFontenelle. Je me mêle un peu de tout ; je sais un peu de tout. » Le petit arbre a prospéré. Tout en entretenant d’excellentes relations avec les encyclopédistes, elle n’a pas rompu avec l’Église. Pour être bien avec le Ciel sans être mal avec son monde, elle s’est fait une espèce de dévotion clandestine : elle va à la messe comme on va en bonne fortune ; elle habite un appartement dans un couvent de religieuses et elle a une tribune à l’église des Capucins, mais avec autant de mystère que les femmes galantes ont des petites maisons. Derrière sa simplicité et sa modestie ostensible se cachent l’orgueil de la bourgeoise parvenue et la déception de ne pas être considérée comme une aristocrate. Elle n’a pas le ton de la Cour comme Mmedu Deffand, mais elle quête la reconnaissance de ce monde qui lui reste fermé, malgré le mariage de sa fille devenue marquise deLa Ferté-Imbault, veuve et heureuse de l’être, jalouse des succès de sa mère, et qui s’estime socialement fort au-dessus d’elle.
    Le baron d’Holbach, qui se plaît chez Mme Geoffrin, reçoit le jeudi et le dimanche dans son hôtel rue Royale-Saint-Roch. D’origine allemande, le baron est l’un des hôtes les plus instruits qu’on puisse imaginer. Il parle toutes les langues de l’Europe. Sa curiosité est infinie. Il s’intéresse autant aux idées qu’à l’histoire naturelle à laquelle il a consacré un cabinet dans son hôtel dont les murs sont couverts de tableaux et de dessins contemporains.Diderot,Grimm,Helvétius,Saint-Lambert, l’abbéRaynal,Marmontel se lancent chez lui dans des discussions qui n’en finissent pas. C’est assurément ici qu’on s’exprime avec le plus de liberté sur la religion et la politique. En été, il accueille fastueusement ses hôtes dans son château du Grandval. Son voisin et ami Helvétius, très bel homme, grand amateur de femmes, l’un des mécènes de l’ Encyclopédie , reçoit les mêmes convives que d’Holbach mais le mardi. Après une jeunesse désœuvrée, il a résilié sa charge de fermier général, s’est entouré d’hommes de lettres, s’est passionné pour la géométrie et la poésie et a fini par épouser Mlle deLigneville, nièce de Mme deGraffigny, l’auteur
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