Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le temps des illusions

Le temps des illusions

Titel: Le temps des illusions
Autoren: Evelyne Lever
Vom Netzwerk:
Chapitre II
    Le royaume dont le prince est un enfant
    Le nouveau maître de la France
    Ses nouvelles obligations ont mis fin au dilettantisme de M. d’Orléans. Il accorde à son travail autant d’ardeur qu’à ses débauches auxquelles il ne renonce pas. Dès huit heures du matin il s’adonne aux affaires du royaume et Dieu sait si elles sont lourdes ! Il doit étudier des dossiers, assister aux conseils, recevoir les audiences. À trois heures, il boit son chocolat et reprend ses activités jusqu’à six heures. Avant de se livrer à ses folies, il fait visite à sonépouse toujours vautrée sur son lit de repos, et prête à lui décocher quelque trait venimeux – il ne l’appelle pas pour rien Mme Lucifer.
    Après cet entretien de pure forme commence sa seconde vie. Il soupe au Palais-Royal ou au Luxembourg chez la duchesse deBerry en compagnie de ses roués, de filles prêtes à toutes les fantaisies et aussi de sa maîtresse actuelle, la comtesse deParabère, qui boit comme un trou et le trompe sans qu’il en marque la moindre jalousie. D’ailleurs, il éprouve un tel mépris pour ses conquêtes qu’il ne voit pas d’inconvénient à ce qu’elles couchent avec les laquais. On mange (il faudrait plutôt dire qu’on se goinfre), on s’enivre, on chante et on baise. Le prince regagne ses appartements à l’aube et n’accorde que peu de temps au sommeil. À huit heures, il reprend son existence officielle. Une telle conduite scandalise sa mère. Elle s’inquiète pour sa santé. Il y ade quoi. « Le grand air lui convient moins que l’air débauché et dégingandé comme celui des danseuses de l’opéra », soupire-t-elle, ajoutant qu’elle prie pour sa conversion 1 , sans beaucoup y croire. Elle pense autant à un changement de vie qu’à une conversion religieuse pour cet esprit fort qui se plaît à offenser Dieu publiquement.
    Le récit de ses bacchanales court dans Paris, mais le prince s’en moque. Même s’il se sent épuisé au petit matin, il n’en accomplit pas moins sa tâche dont il rend compte très solennellement au petit roi qu’il a installé au palais des Tuileries le 31 décembre 1715. L’enfant est beau, vif, capricieux ; il sait fort bien ce qu’il est et ce qu’on lui doit. Il a compris le sens du mot respect. On le couve avec une attention qu’on n’a jamais eue pour aucun autre prince. Il écoute sagement le duc d’Orléans, qui s’est pris d’une réelle affection pour lui. Le Régent n’oublie jamais qu’il parle à un orphelin de cinq ans obligé de « faire le roi » dans un certain nombre de cérémonies officielles. Cependant, ce jeu auquel il se prête de bonne grâce lui occasionne parfois des accès de tristesse. Alors MamanVentadour le cajole et le traite tout simplement comme un enfant. Livré aux soins affectueux d’une gouvernante en âge d’être sa grand-mère, il est heureusement entouré de jeunes garçons avec lesquels il joue tous les jours. L’un d’eux, fils d’un savetier, est son « houssard » en raison de l’habit qu’il porte. Depuis que Louis XV s’est installé aux Tuileries, ce compagnon va au collège et revient le dimanche auprès de son petit maître ; il lui raconte les menus événements de sa vie d’écolier. Le roi lui fait des cadeaux et s’amuse avec lui. Il sait qu’il règnera un jour, mais cette perspective reste encore lointaine. Il est aujourd’hui l’enfant chéri des Parisiens, qui retrouvent en lui ce que la monarchie leur offre de plus heureux, un gage d’espoir.
    Pour l’instant, la gestion du royaume appartient au Régent. Malgré les apparences, l’héritage duSoleil n’est guère brillant. Les caisses de l’État sont désespérément vides. Les traitants se sont enrichis, mais la misère sévit dans les campagnes et dans les villes. La querelle religieuse suscitée par le jansénisme divise le clergé depuis que le pape a fulminé la bulle Unigenitus . Un fort courantantiabsolutiste s’est développé dans les milieux intellectuels et la politique belliqueuse deLouis XIV rend les puissances européennes très suspicieuses à l’égard de la France.
    Philippe d’Orléans n’a jamais exercé le pouvoir, mais sa culture politique lui permet de l’assumer. Il passe pour un prince accessible, débonnaire et qui ne s’abrite pas derrière un protocole suranné. Il est prêt à soutenir des expériences nouvelles, qu’elles soient d’ordre politique ou économique. On peut
Vom Netzwerk:

Weitere Kostenlose Bücher