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Le Temple Noir

Le Temple Noir

Titel: Le Temple Noir
Autoren: Eric Giacometti
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l’air. Elle souriait de ses dents impeccablement blanches et droites. Un sourire artificiel, comme tout en elle. Antoine prit son briquet et s’exécuta comme il se devait. La femme se rapprocha.
    — Vous permettez ?
    Marcas lui rendit son sourire et secoua la tête.
    — Non, je vais partir.
    La blonde ne se démonta pas, elle souffla lentement une bouffée.
    — Je peux vous accompagner…
    — Ce ne sera pas nécessaire.
    Le sourire de la fille ne faiblissait pas. Une vraie pro.
    — Tu préfères les hommes ? J’ai un ami qui travaille à l’hôtel…
    Antoine déposa un billet de dix dollars sur le comptoir et se leva.
    — C’est gentil, mais mon truc c’est les animaux. J’ai envie de me faire un hippo. Tu n’aurais pas ça dans tes connaissances ?
    La fille écarquilla les yeux et laisser tomber par mégarde de la cendre sur sa robe. Antoine reprit :
    — Non, c’était une mauvaise plaisanterie. Je n’ai pas besoin de compagnie en ce moment.
    — Dommage, tu es beau gosse… Si tu changes d’avis, voici ma carte.
    Il la vit s’éloigner en ondulant, pour répéter son même numéro devant un gros type au visage rouge qui en était à son quatrième verre.
    Antoine sortit de l’hôtel et héla le portier.
    — Je voudrais un taxi pour aller à Battery Street.
    — Pas de problème, mais c’est à côté de Kroo Bay, dangereux pour les Blancs.
    — Ça ne fait rien. J’ai un… ami là-bas.
    Une Peugeot brinquebalante s’avança vers l’entrée. Il s’y engouffra et donna l’adresse au chauffeur.
    — Y a pas beaucoup de Blancs dans ce coin-là. Tu es sûr d’y aller ?
    — J’ai pas envie de voir des Blancs.
    La voiture mit un bon quart d’heure pour s’extraire des embouteillages du centre-ville. Au fur et à mesure qu’il s’enfonçait dans les faubourgs, l’éclairage public s’estompait, les rares lumières filtraient des volets des maisons décrépites. Le taxi passa devant un terrain vague, envahi d’herbes folles et de chèvres décharnées. Sur le trottoir défoncé, deux vieillards dormaient à même le sol.
    — Tu vas voir une femme là-bas ? lança le chauffeur en évitant de justesse un gamin en haillons qui traversait la rue.
    — Non, juste des frères…
    Le bitume disparut et se transforma en piste glissante qui grimpait dans un lacis de ruelles escarpées. La Peugeot ralentit et s’arrêta devant le mur d’une villa défraîchie, entourée d’un jardin exubérant. Deux projecteurs illuminaient l’entrée. Antoine paya le chauffeur et sortit du véhicule.
    — Tu veux que je t’attende, patron ? Si tu reviens à pied, tu ne feras pas dix mètres avant de te faire dépouiller dans le Slum ! lança le chauffeur.
    — Ce ne sera pas nécessaire. Je suis en sécurité, ici, répondit-il sur un ton grave.
    Le taxi démarra pendant qu’il murmurait à l’interphone surmonté d’une caméra :
    — L’homme est le seul temple.
    Quelques instants s’écoulèrent puis un homme noir, de haute taille, lui ouvrit en souriant. Sa voix fusa :
    — Entre dans le temple de l’homme, mon frère.
    Ils se firent l’accolade et pénétrèrent dans la maison. Des enfants couraient dans tous les sens. L’homme claqua des mains.
    — Ça suffit, nous avons un invité. Suis-moi, Antoine.
    Ils montèrent à l’étage et s’installèrent dans un bureau encombré de livres et de papiers. L’homme tendit une bouteille de gin et un verre. Antoine refusa poliment et s’assit dans un fauteuil plus confortable qu’il n’y paraissait. Son hôte se versa une rasade et porta le verre à ses lèvres. Il scruta Marcas avec acuité et dit :
    — Ta demande est singulière. Je n’avais jamais rencontré de frère français avant toi. Pourquoi veux-tu t’exiler dans ce pays ?
    — La nation la plus pauvre du monde n’a-t-elle pas besoin de bras pour se reconstruire ? Vous avez des policiers à former, et c’est mon métier.
    — C’est très mal payé. Le pays se reconstruit mais la criminalité explose. Rien que dans ce quartier qui m’a vu naître, tu pourrais te faire égorger en un clin d’œil.
    Antoine croisa les bras.
    — Ça ne me fait pas peur. J’ai démissionné de mon job à Paris et disons que j’ai besoin de retrouver un sens à ma vie.
    L’homme le détailla à nouveau.
    — Tu possèdes les meilleures recommandations qui soient. Notre frère, Peter Standford, t’a tressé des louanges et comme c’est lui qui m’a
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