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Le talisman de la Villette

Le talisman de la Villette

Titel: Le talisman de la Villette
Autoren: Claude Izner
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Clélia ? Non ! Elle avait des traits délicats, mais ce n’était pas Clélia. Clélia était morte vingt ans auparavant. D’un geste instinctif, il lui desserra les dents à l’aide du tuyau de sa pipe, enfonça deux doigts dans sa gorge pour débarrasser son pharynx des mucosités, appuya une oreille contre sa poitrine. Le cœur battait faiblement. Il s’agenouilla, lui saisit les poignets, souleva et abaissa ses bras avec la régularité d’un piston, comprimant son thorax à chaque traction. Il agissait mécaniquement, grâce à une compétence acquise pendant vingt-cinq années de pratique. Il répéta la manœuvre une quinzaine de fois par minute, une seule idée accaparant son esprit : redonner vie à cette inconnue.
    Elle fut secouée d’un spasme, toussa, cracha et retomba, inerte. Il se dépouilla de sa vareuse et l’en enveloppa. Alors qu’il la hissait, il sentit un obstacle. Liée au poignet de la femme, une cordelette retenait un sac de cuir.
    Chahuté par le vent, il entama une marche chancelante. Son fardeau avait beau être d’un petit gabarit, ses vêtements saturés d’eau l’alourdissaient. Il eut beaucoup de mal à regagner son domicile. Les dunes n’étaient qu’un brouillard terne qui dansait devant ses yeux. Il lui fallut faire une pause à mi-chemin et mettre un genou à terre agrippé à sa charge, qu’il finit par basculer en travers de son épaule. La recrudescence de la pluie lui fit craindre que l’accalmie n’eût été trompeuse. La bouche sèche, un pincement brûlant au bas des reins, il atteignit enfin sa maison. Elle était glaciale.
    Avec un soupir de soulagement, il allongea la femme sur l’édredon. Vite, du feu ! Il se rua en claudiquant sous l’appentis. Les bûches gorgées de pluie étaient inutilisables. Il fit demi-tour.
    Ignorant Gilliatt qui réclamait sa pitance, il attrapa une hachette et débita deux de ses chaises paillées. Lorsque les flammes embrasèrent son butin, il se rappela avoir amassé des fagots de bruyère au fond de l’écurie. Il alla les rafler ainsi qu’une caisse qui avait contenu des bouteilles de cidre, de quoi se chauffer une bonne heure.
    Les paupières closes, la femme gémissait. À son lobe gauche, un cabochon bleu, le droit manquait. Il lui tâta le pouls qu’il trouva trop rapide. Le front était moite. La dévêtir, la frictionner vigoureusement pour rétablir la circulation. Il la délesta de son sac et de la vareuse, considéra en hésitant la robe déchirée. Tant de boutons ! Il en arracha un, en libéra un autre et opta pour les grands moyens. Armé d’un couteau, il lacéra ce qui lui résistait. Des lambeaux d’étoffe, jupe, corsage, jupons, jonchèrent la tomette. Il avait l’impression de peler un fruit aux innombrables peaux. Il pensait en avoir terminé quand il découvrit un ultime barrage : le corset, aussi rigide qu’une cuirasse. Il dénoua maladroitement les lacets et, d’un geste sec, sépara les pans de l’armure. Les seins jaillirent, ronds, souples, généreux. Les mains tremblantes, il fit glisser les pantalons de dentelle, puis les bas en loques. Des égratignures zébraient ses mollets, les marques du corset s’imprimaient dans sa chair, pourtant cette inconnue était la plus belle créature qu’il eût contemplée. N’osant la toucher, il se contenta de frôler ses pieds gelés.
    Intrigué, Gilliatt approcha son museau du triangle pubien. Corentin l’envoya bouler. À la vitesse de l’éclair, le chat se réfugia au sommet du baldaquin.
    Corentin déboucha une bouteille de vieille prune qu’il réservait à des occasions importantes, imbiba ses paumes d’alcool et les plaqua au ventre de la femme. Lentement, il commença à lui frotter l’épiderme, s’attarda sur ses hanches, incapable d’aller plus haut. Le chat miaula et le ramena à son devoir. Il s’humecta de nouveau d’eau-de-vie et accéléra son massage. Les seins roulaient sous ses doigts, il descendit vers les cuisses, il travaillait méthodiquement, il était d’un flegme absolu, la nudité ne le troublait pas. Il lui fut difficile de la retourner. La nuque, le dos, si joliment incurvé à la taille, les bras, les fesses, charnues et douces, encore les cuisses, les jambes…
    La bouteille était vide, l’étrangère alanguie sur le flanc, imprégnée d’alcool et rose d’avoir été ainsi pétrie. Après avoir lavé ses plaies, il les enduisit d’une pommade balsamique au vivifiant arôme de menthe. Il
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