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Le talisman de la Villette

Le talisman de la Villette

Titel: Le talisman de la Villette
Autoren: Claude Izner
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Ces hommes méritaient leur sort. Moi, je suis saine et sauve. Vous n’avez pas répondu à ma question.
    Etonné, il s’approcha d’elle.
    — Je viens de vous conter…
    — Vous m’avez décrit vos actions, vous ne m’en avez pas livré la clé. Vous vous êtes donné beaucoup de peine pour une inconnue.
    — Je… Ces similitudes avec le destin de Clélia…
    — À mon réveil chez les sœurs, à Urville, on m’a dit qu’un homme m’avait recueillie sur la plage, emmenée chez lui, ramenée à la vie…
    Elle caressa le lit à baldaquin couvert d’une couette rembourrée de duvet d’oie, s’attarda sur les deux gros oreillers neigeux couronnant le traversin.
    — Je sentais l’alcool…
    Il recula légèrement.
    — Vous étiez si vulnérable, si douce…
    — J’étais quasiment nue.
    — Je devais agir sans tarder, de crainte que la consomption ne vous gagne.
    — À l’hôtel, quand vous m’avez pressée de partir, pourquoi ne pas avoir été plus… explicite ?
    Elle était si proche qu’elle le frôlait presque.
    — Je n’ai pas osé. Vous… vous aviez pris une telle importance. J’appréhendais un refus.
    Il pensa à Clélia. Et cette pensée était amère, provoquait un retour de cette tristesse qu’il avait ressentie, le jour où il avait compris qu’elle se moquait de lui.
    Sophie Clairsange l’examinait avec une attention étrange, comme si elle voulait répondre en son for intérieur à quelque interrogation secrète.
    — Vous aviez tort, souffla-t-elle.
    — Comment ?
    — Vous m’avez bien entendue, capitaine. Vous croyez que j’ai perdu la tête ? Vous vous trompez.
    — Je ne peux y croire, dit-il, vous êtes belle, très belle, et…
    Il s’arrêta net.
    — C’est gentil à vous, capitaine, dit-elle doucement. Nous avons fait naufrage, vous et moi nous dérivons sur un radeau, nous prions afin d’aborder quelque part… J’ai voulu vous oublier, mais je n’y suis pas parvenue.
    Il prit ses mains dans les siennes, mais de ses bras tendus elle le tint à distance.
    — Cette fois, capitaine, nous allons inverser les rôles. Nous avons enfin atteint une terre inconnue. Vous êtes inconscient sur la grève. Je vais vous secourir. Mais avant tout, je désire profiter de votre faiblesse, comme vous avez profité de la mienne.
    Il ne résista pas tandis qu’elle déboutonnait son gilet, le lui enlevait et le jetait au sol, ainsi que sa chemise de toile. De lui-même il quitta ses sabots. Elle dénoua la ceinture de son pantalon de droguet. Torse nu, il s’abandonnait. Elle eut un léger sourire, presque triomphant. Il se pencha et l’étreignit avec fougue Insatiables, leurs lèvres se cherchaient, s’égaraient, se retrouvaient. Ils basculèrent sur le lit, il commença de la déshabiller pendant qu’elle déliait les cordons de son caleçon…
    Gilliatt ne comprenait pas, voilà que de nouveau sa chatière était close. Il miaula et griffa la porte. Chargée de deux cabas, la mère Guénéqué s’achemina vers lui.
    — Eh ben, le matou, t’es enfermé dehors ? T’as-t’y été puni, glouton ?
    Elle se baissa jusqu’à la serrure où elle colla un œil. – Y a du monde, c’est pas ordinaire. Oh !
    Elle se massa les reins, elle avait brusquement très chaud. Elle jeta un second regard pour vérifier qu’elle ne se trompait pas, puis s’adressa au chat en riant à moitié :
    — Y font la bête à deux dos ! Tu peux toujours bisquer, y sont pas près d’avoir conclu ! J’ vas déposer mes provisions à l’écurie.
    Résigné, Gilliatt s’assit et entreprit de se débarbouiller. L’espionnant en coin, la mère Guénéqué grogna :
    — Sa patte s’en va par-dessus l’oreille ! Il pleuvra avant trois jours…

 
POSTFACE
    1894, année de tous les dangers
     
     
     
    Au début de 1894, la Terre se trouve à sa plus grande distance du Soleil, soit cent cinquante millions neuf cent quatre-vingt-dix-sept mille kilomètres au lieu des cent quarante-six millions neuf cent mille kilomètres habituels – les astronomes ont négligé les centimètres. Ces quatre millions de kilomètres perdus ont-ils changé la face du monde ? Que nenni, car l’année 1894 sera aussi mouvementée et novatrice que celle qui l’a précédée. Pour preuve : à Paris, l’émancipation féminine remporte une nouvelle victoire. En même temps que le Sénat confirme son premier vote accordant l’électorat en matière de tribunaux aux femmes
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