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Le souffle du jasmin

Le souffle du jasmin

Titel: Le souffle du jasmin
Autoren: Gilbert Sinoué
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directeur de l'université, son
propre cousin, de fricoter avec ces nébuleuses nationalistes.
    – Qu'a
répondu Wingate ?
    – Que
crois-tu ? Il les a envoyés promener en leur lançant : « Chez un
enfant, trop de nourriture provoque l'indigestion ! »
    – Et le
palais ? Une réaction de notre sultan ?
    –
Fouad ?
    Un petit
rire secoua le jeune homme.
    – Fouad
s'est montré exaspéré par la démarche de Zaghloul. Tout ce qu'il espère, c'est
qu'elle ne déclenchera pas une crise avec ses amis britanniques. Il n'a aucune
envie de connaître le même sort que ses prédécesseurs ! Son trône, c'est
tout ce qui compte à ses yeux.
    Pour Farid
Loutfi bey, cette histoire ne signifiait qu'une chose : sir Percy
Wetherborne n'assisterait vraisemblablement pas à la réception et – pire encore
– le premier chambellan du sultan non plus. Envolé ses espoirs de le voir
intercéder auprès de Fouad ! Envolé son titre de pacha !
    Soudain
las, il poussa un profond soupir.
    – Que le
Très-Haut nous protège...
    Et
questionna :
    – Où est
ta mère ?
    —               Là-haut, dans sa chambre. Elle se fait belle pour ta
soirée.
    Un vieux
proverbe turc revint aussitôt à l'esprit de l'Égyptien : « La queue
fait la beauté du cheval. » Et il faillit sourire.
    – Tu n'as
pas d'autres bonnes nouvelles à m'annoncer ?
    – Si. J'ai
reçu une lettre de Mourad. Comme convenu, il arrive dans deux semaines. J'irai
le chercher à la gare.
    – Qui
donc ?
    –
Mourad ! Mourad Shahid, mon ami palestinien. Nous avions fait sa
connaissance alors que lui et sa famille passaient les vacances à Alexandrie.
Il y a quelque temps, je t'avais demandé la permission de l'héberger pendant la
durée de ses cours à l'université et tu m'avais donné ton accord.
    –
Ah ?
    Décidément, où avait-il la
tête ? Il ne s'en souvenait plus. Néanmoins, il fit comme si.
    — Oui, oui, bien sûr. Il est le
bienvenu.
    Il se leva, quitta la pièce, les
épaules voûtées, en se demandant qui pouvait bien être ce Mourad.

 
     
     
     
5
     
     
     
     
    L'os dit au chien :
« Je suis dur. » Le chien répond : « J'ai le temps. »
     
    Proverbe
arabe.
     
     
    Le Caire, 16 novembre 1918
     
     
    Les
haut-parleurs diffusaient la voix de l'orateur aux quatre coins de la vaste
place devant l'université d'El-Azhar, prêtant à l'éloquence du tribun, un homme
de grande taille et de belle prestance, aux traits forts et généreusement
sculptés, une vibration supplémentaire.
    — Pour
notre dignité et celle de nos enfants, nous demandons, au nom du peuple
égyptien, que les Anglais et leurs associés tiennent les promesses qu'ils ont
prises devant l'univers ! Ils se sont engagés à respecter l'indépendance
des peuples libérés par la chute de l'Empire ottoman ! Ils ont occupé
notre territoire pour se défendre contre leurs ennemis et nous les avons
accueillis avec la générosité qui est la nôtre. Leurs ennemis sont aujourd'hui
défaits. Nous ne voulons donc pas que les vainqueurs nous traitent comme ils
traitent les vaincus !
    Des
acclamations montèrent de plusieurs milliers de poitrines, devinrent
assourdissantes et firent s'envoler des nuées de pigeons affolés au-dessus du
minaret.
    On pouvait
percevoir que même les policiers qui surveillaient la scène se sentaient
troublés ; ils se seraient joints à la foule s’il n’y avait eu leurs
officiers, soumis eux-mêmes aux contrôles de brigadiers anglais.
    L'orateur n’était autre que Saad Zaghloul.
    – Nous sommes libres !
Libres comme tous les Arabes
sont nés libres, ne
connaissant d'autre maître qu'Allah.
Nul peuple n'est en droit
d'en dominer un autre !
    Nouvelles
acclamations.
    — Yahia
Zaghloul ! Ya'ish el batal ! Vive Zaghloul ! Longue vie au brave !
    Debout au
côté de Taymour, Mourad paraissait incroyablement ému.
    Ainsi, il existait des hommes non disposés à mettre
un genou à terre ? Ainsi, on pouvait
refuser la fatalité, cette
déraison de l'Orient ?
    Après des
adieux déchirants (sa mère en pleurs avait manqué de s'évanouir en le voyant
monter à bord du bateau en partance pour Alexandrie), une traversée
cauchemardesque (le mal de mer lui avait arraché les entrailles), il avait dû
supporter les soubresauts endiablés du train Alexandrie-Le Caire. Et, sitôt sa
valise posée, son ami ne lui avait pas laissé
le temps de souffler.
    Le
brave ! Le brave va parler ! Nous ne pouvons manquer un
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