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Le Serpent de feu

Le Serpent de feu

Titel: Le Serpent de feu
Autoren: Fabrice Bourland
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l’éprouver plusieurs fois ce matin.
    Il avançait le bras et allait oindre la poitrine de James quand soudain une voix s’éleva.
    — Je t’en prie, Ambrose ! Arrête immédiatement !
    Nous tournâmes tous la tête de concert vers la porte qui donnait sur la galerie.
    Cecily se tenait dans l’embrasure, en compagnie de Miss Abbott. Celle-ci, sur un signe de son amie, se résolut à demeurer en retrait, tandis que l’actrice s’avança seule dans la pièce.
    À n’en point douter, c’était la voiture transportant les deux jeunes femmes que j’avais aperçue à plusieurs reprises derrière le taxi, après mon départ de Greycoat Street.
    Ambrose Boyle me fustigea du regard.
    — C’est vous qui l’avez emmenée, malheureux !
    — Non, je l’ai suivi sans qu’il s’en rende compte, expliqua Cecily. Il n’était pas au courant de ma présence.
    — Tu… tu es là depuis longtemps ?
    — Depuis le début.
    — Tu as tout entendu ?
    — Tout.
    — Alors… alors tu sais… Tu sais que nous allons bientôt pouvoir être de nouveau ensemble, ma chérie.
    — Je l’ai entendu, Ambrose.
    Elle marcha à sa rencontre, calme et digne. Il semblait qu’elle se contenait pour dissimuler autant que possible ses émotions.
    — Mais avant cela, je voudrais que tu te montres à moi, dit-elle.
    — Comment cela ?
    — Je veux voir le corps que tu avais refusé de me dévoiler à l’hôpital, autrefois.
    — Mais il n’est pas regardable ! Ce n’est qu’un monstre !
    — J’en ai besoin. Il le faut.
    Boyle paraissait délibérer en lui-même, étudiant soigneusement la jeune femme pour tenter de pénétrer ce qui motivait une pareille requête.
    — Je t’en prie, insista-t-elle.
    Il essuya son doigt couvert de pâte au revers de mon gilet de flanelle et s’approcha de la porte de communication. Puis il tourna la poignée.
    D’où j’étais assis, j’apercevais le chariot-brancard où reposait le corps du peintre, celui qui se trouvait jusqu’à cette nuit encore dans la chambre numéro 6 du London Hospital.
    Ambrose avait fixé à l’une des poutrelles de la charpente la poche contenant le mélange de sucre et de protéines qui le nourrissait.
    Derrière le chariot se trouvait un autre corps, suspendu deux pieds au-dessus du sol, contre le mur. Je reconnus sur-le-champ le visage de Marcus Bolton. Sa momie était accrochée par le nœud de cravate à un clou, la tête penchée sur le côté, comme un vulgaire vêtement en attente d’être porté.
    Sans prêter attention à ce qui l’entourait, Cecily s’avança solennellement jusqu’au brancard. Quand elle fut près du corps, elle se pencha en avant, puis déposa sur les lèvres hideuses un délicat baiser.
    Boyle était resté aux aguets devant la porte, de manière à pouvoir garder un œil sur Lucy Abbott.
    — Que fais-tu ? s’écria-t-il.
    — Je salue celui que j’ai aimé… Et qui n’est plus depuis longtemps.
    Sur ces mots, Miss Teynham sortit de la poche de son manteau en laine le Derringer avec lequel Lucy m’avait menacé dans l’appartement.
    Le peintre tendit les bras dans sa direction d’un geste désespéré, mais, avant qu’il n’ait eu le temps de la retenir, la jeune femme avait expédié les deux balles du barillet dans le cœur du blessé, sur le chariot.
    Impuissant, j’observais l’autre part de moi-même qui se mit à vaciller, puis tomba à genoux. Je sus de manière très précise l’instant où l’esprit d’Ambrose s’en échappa pour toujours et où il me fut loisible de l’occuper de nouveau. Avant que mon effigie ne s’effondre sur le sol, je m’étais extirpé de la momie et, projetant mon corps astral de toutes mes énergies, je réussis à me rétablir avec suffisamment de promptitude à l’intérieur de mes chairs pour m’éviter une douloureuse chute.
    Quand j’ouvris les paupières – mes véritables paupières cette fois –, Lucy serrait entre ses bras son amie qui avait fondu en larmes.
    Un lourd silence régnait dans le bâtiment désaffecté, seulement troublé par les criaillements des mouettes.
    La boîte en carton avait roulé sur les lattes du plancher, juste à mes pieds. Je la ramassai avec la rageuse intention de la catapulter dans les eaux de la Tamise, mais, comme j’avisai mon compagnon qui n’en pouvait plus de trépigner sur sa chaise en manquant de s’étouffer, je me précipitai pour lui ôter son bâillon et le libérer enfin de ses
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