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Le Serpent de feu

Le Serpent de feu

Titel: Le Serpent de feu
Autoren: Fabrice Bourland
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laine de bruyère, se tenait à quelques pas, devant une porte qu’il venait de refermer et qui communiquait avec un autre cabinet. Dans sa main droite, il serrait un pistolet automatique. Tout en s’avançant, Ambrose avait plaqué le bout du canon contre sa tempe – ma tempe ! On aurait dit qu’il menaçait de se suicider.
    — Lâchez votre ami et veuillez vous lever, je vous prie ! Sans quoi, je me verrai dans l’obligation d’appuyer sur la détente. La balle passerait à travers mon être psychique sans occasionner le moindre dommage, mais pour le vôtre, les effets seraient hautement préjudiciables. Pour ne rien vous cacher, vous tomberiez raide mort, à l’unisson de votre corps physique.
    La sensation d’étrangeté était indescriptible. Je me regardais sans y croire, comme si j’auscultais un miroir dont le reflet me rendait une image entièrement affranchie de moi-même, libre de parler et d’évoluer à sa guise. Libre surtout de se tirer une balle dans la tête !
    — Ma foi, il faut avouer que je pensais être débarrassé de vous. C’était pure folie, cette nuit, que de vous hasarder sans aucune expérience aussi loin de votre niveau de réalité. Jamais je n’aurais imaginé que vous puissiez revenir. En tout cas, pas aussi vite.
    L’esprit du peintre actionnant mes propres cordes vocales, c’était ma voix, exactement telle que les autres la percevaient en toute circonstance, qu’il m’était donné d’entendre, et pourtant il me semblait que je la découvrais pour la première fois.
    J’étais en train de vivre une expérience étonnante, extrêmement déstabilisante. Ma vision dans la crypte des Patterson, où j’avais eu l’impression de contempler un autre moi-même, n’avait-elle été que la prémonition de ce spectacle ahurissant auquel j’assistais en ce moment ? Pour autant, étais-je tout à fait assuré de ne pas me trouver en plein dans une nouvelle hallucination, plus puissante, plus débridée, plus délirante que les autres ?
    — Qu’avez-vous fait de votre corps ? interrogeai-je, comme pour tester que ce double était bien réel, qu’il saisissait ce que je lui disais et était capable de répondre de manière sensée.
    — Il est à l’abri de l’autre côté de cette porte. Je ne pouvais continuer à le laisser au London Hospital. Ce brave Forbes était empli de bons sentiments, mais il exhortait les médecins à me laisser mourir et ces derniers étaient à deux doigts de me couper les vivres. J’ai profité que nous étions quatre bras ce matin pour me mettre définitivement hors de danger. Échouer si près du but pour quelques milligrammes de sucre, ça aurait été rageant, avouez !
    — Si près du but ?
    Mon interlocuteur se tenait à une distance de neuf ou dix pieds. Voyant que je restai docilement à ma place, il avait abaissé le canon de son arme, mais il était trop hasardeux de tenter quoi que ce soit. La momie de Flaxman n’était pas suffisamment alerte pour lui sauter dessus à brûle-pourpoint. Et je risquais surtout d’infliger une grave blessure à ma propre effigie.
    — Votre associé n’a pas été facile à décider quand il s’est agi de procéder au « retrait » de mon corps à l’hôpital, s’exclama-t-il. Il a fallu que je me montre très inspiré pour réussir à le convaincre que la seule façon de faire pression sur Merithorpe – ou plutôt Boyle, car sachez que c’est là mon véritable nom ! – était de soustraire son enveloppe et de la transporter dans un lieu solitaire.
    Il s’approcha d’une des deux lucarnes de la pièce et l’ouvrit en grand. Sur la rive opposée, de l’autre côté des Surrey Docks où les cargos de cabotage se mêlaient aux schooners et clippers venus d’un autre siècle, par-delà les toits de Southwark et de Lambeth, on devinait dans la brume les tours du Parlement, d’où les échos des parades militaires, portés par le vent, parvenaient jusqu’à nous malgré la distance.
    — Tous ces gens croient fêter le sacre de leur roi. Mais ce jour est mille fois plus considérable qu’ils ne peuvent se l’imaginer. Car aujourd’hui restera dans les annales comme celui d’une naissance d’un genre nouveau. Ou devrais-je dire d’une re-naissance  ?
    Je soupçonnais que Boyle n’avait plus toute sa tête.
    — Vous allez me tuer, n’est-ce pas ? Et ensuite, ce sera le tour de James. Cela ne vous a-t-il pas suffi d’avoir semé tous ces morts autour de
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