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Le Serpent de feu

Le Serpent de feu

Titel: Le Serpent de feu
Autoren: Fabrice Bourland
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pierre pour parvenir dans une crypte voûtée, de forme elliptique, carrelée de céramiques avec les mêmes motifs à fleurs que ceux du rez-de-chaussée. Nathaniel actionna un interrupteur et, lorsque les suspensions électriques eurent donné leur pleine intensité, ce fut un véritable petit musée des horreurs qui se révéla à nous.
    Empilés par colonnes de cinq contre les murs, tout autour de la salle, une soixantaine de grands casiers en bois rectangulaires, ouverts sur les côtés, laissaient apercevoir dans chacun d’eux un cadavre embaumé, la tête posée sur un coussin. Pour certains de ces corps, ils semblaient dans un état de conservation correct, pour d’autres, surtout ceux disposés dans les couchettes inférieures, ils présentaient un état de dessèchement, voire de pétrification avancé – les visages terreux, les os si saillants qu’ils risquaient à tout moment de déchirer le parchemin qui leur servait de peau.
    Au milieu de la crypte, légèrement surélevées sur de solides tréteaux en fonte à pieds de lion, reposaient cinq autres boîtes d’un genre très différent, fabriquées en chêne et en acajou. Selon les explications de nos hôtes, le fond et les parois avaient été renforcés par des feuilles de plomb, et chaque sarcophage était fermé par un couvercle en verre trempé.
    Ayant été conviés à nous rapprocher, nous distinguâmes avec stupéfaction à l’intérieur les corps parfaitement préservés de trois hommes – deux individus d’âge mûr et un adolescent – ainsi qu’une jeune femme en robe du dimanche : bras en croix sur la poitrine ou mains sur le ventre, visages aussi sereins que s’ils venaient de s’assoupir.
    Étrangement, je notai que l’atmosphère n’était saturée d’aucun miasme de décomposition. Il régnait au contraire un agréable parfum – distinct du brouillamini olfactif que l’on respirait à l’étage –, d’une suavité troublante, sans doute occasionné par les agents chimiques.
    Quant au cinquième cercueil, celui qui se trouvait le plus éloigné de nous, il était vide et son couvercle en verre était relevé.
    — Qui étaient tous ces gens ? demandai-je, ébranlé à la vue de cette marée de cadavres, en même temps que fasciné par le destin de ces créatures dont les vestiges refusaient de se désagréger.
    — Des inconnus dont les corps n’ont jamais été réclamés. Ou bien des personnes dont les proches, pas assez nantis pour payer une sépulture décente, nous ont fait don de la dépouille.
    — Trente-quatre des momies que vous voyez autour de nous ont été embaumées entre 1878 et 1913 par feu notre père. Pour le reste, c’est l’œuvre de vos serviteurs.
    — Tous ces corps, cependant, ne devraient-ils pas reposer dans un cimetière ? s’étonna James.
    — Comprenez qu’il est nécessaire, pour apprécier dans la durée le mérite de notre procédé, de vérifier très régulièrement le degré de préservation des chairs, l’élasticité et la tendreté des tissus, l’absence de traces de corruption. Il serait impossible de dépêcher à qui de droit une demande d’exhumation chaque fois que l’on souhaite pratiquer une analyse, n’ayant au surplus aucune assurance d’obtenir les autorisations officielles ; aussi nous conservons in situ ces quelques spécimens pour nos expertises. Concernant les corps de nos clients « ordinaires », il est évident que nous les mettons en bière aussitôt après l’embaumement et que nous procédons ensuite à leur inhumation.
    — En conséquence, la présence de ces cadavres n’est pas tout à fait légale.
    — Disons que le coroner a le bon goût de fermer les yeux, fit Nathaniel en se raclant la gorge et en tirant sur les pans de son veston.
    — Nous lui avons promis une jolie ristourne sur son futur embaumement.
    — Et combien en coûte-t-il de se faire toiletter dans votre institut ?
    — Cinq cents guinées, répliqua Archibald.
    — Fichtre ! À ce tarif, vous ne devez pas avoir pléthore de chalands dans le quartier.
    — Bien que l’archevêché ne considère pas notre travail d’un œil très favorable, Patterson & Patterson a quand même réalisé l’an passé une trentaine d’embaumements définitifs.
    — Cela ne représente qu’une part minime de notre activité, ajouta Nathaniel, mais, dans quelques années, vous verrez que tout le monde réclamera d’être momifié. Nous en sommes en tout cas persuadés.
    Les
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