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Le Serpent de feu

Le Serpent de feu

Titel: Le Serpent de feu
Autoren: Fabrice Bourland
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quatre dépouilles merveilleusement conservées, magnifiques et effrayantes à force de paraître aussi vivantes que les vivants, ne laissaient pas de causer sur moi une vive impression. Sans y prendre garde, je m’attardais plus que de mesure devant une des caisses, celui contenant le corps de la jeune femme, âgée d’une vingtaine d’années tout au plus. Son visage lactescent, encadré d’une ample chevelure blonde qui recouvrait ses épaules et dissimulait pudiquement sa gorge, n’était pas sans me rappeler celui de ma belle Alice. Il en avait la grâce et la candeur cristalline.
    Je fis un effort sur moi-même pour détourner mon regard de cette vision cruelle et me rapprochai de mon camarade, qui se tenait à quelques pas, en face du cercueil vide.
    — Je comprends mieux pourquoi vous n’avez pas fait appel à la police officielle, déclara James. Si la nouvelle s’éventait qu’une de vos momies se trouve à l’heure qu’il est dans la nature, il est fort à parier que l’on vous prierait d’expédier illico vos autres pensionnaires à six pieds sous terre.
    — Quel était le nom de ce pauvre bougre ? demandai-je en remarquant avec émotion, dans la boîte désertée, l’empreinte encore perceptible du cadavre sur le matelas de satin.
    — Stephen Flaxman.
    En prononçant ces mots, Nathaniel s’était dirigé vers un meuble de bureau, non loin de l’escalier. Il ouvrit un des tiroirs métalliques et, après avoir fureté dans un tas de dossiers, en sortit une copie du certificat de décès.
    — Il est mort le 3 mars 1926, à l’âge de trente et un ans, et a été embaumé le lendemain, à cinq heures de l’après-midi. Flaxman travaillait dans les usines de construction de la Great Western Railway, ici à Swindon, dans le quartier nord-ouest. Le médecin légiste avait conclu à l’époque à une attaque d’apoplexie.
    — Jusqu’alors, notre procédé de conservation n’était pas entièrement probant. Au bout de quatre ou cinq ans, la peau se ternissait, tandis que les muscles avaient tendance à perdre de leur souplesse. Nous avons travaillé à améliorer la formule du fluide d’embaumement. Flaxman est le premier à qui nous ayons injecté une version corrigée, et cela s’avéra un éclatant succès. Ultérieurement, nous avons renouvelé l’expérience sur les quatre autres corps que vous voyez là. Avec la même réussite semble-t-il, même si, pour eux, il est encore trop tôt pour être catégorique.
    — Si Flaxman travaillait à la compagnie des chemins de fer, il n’était pas sans le sou, fit observer James. Il avait les moyens de s’offrir une sépulture.
    — Il s’était fait congédier quelques mois avant sa mort, déplora Archibald qui ne quittait pas des yeux la caisse irrémédiablement vide. Si j’en crois ce qui se disait du gaillard, il n’avait pas bonne presse. Ni foule d’amis. Il brûlait le peu d’argent qu’il possédait dans les plaisirs tarifés et la consommation d’alcool.
    — Il avait quand même de la famille, insista mon camarade.
    — Ses deux parents ont succombé à la grippe de 1918, et, selon l’acte de décès, il était fils unique. La seule famille qu’on lui connaissait était une cousine, une certaine Betty Poulton. Elle vit non loin d’ici, à Witney, dans l’Oxfordshire, mais elle ne voulait plus entendre parler de lui.
    Nathaniel me tendit la copie du certificat, ainsi qu’un tirage photographique qu’il avait sans doute lui aussi extrait du meuble à tiroirs.
    — S’agit-il de Stephen Flaxman ? demandai-je.
    — Oui. La photo a été prise quelques minutes après le début de l’opération d’embaumement. Je vous invite à la conserver, de même que le certificat.
    Le portrait était celui d’un homme encore jeune, la mâchoire carrée, les pommettes saillantes. Le front haut et le nez puissant paraissaient indiquer un caractère fort et déterminé. Malgré son âge, deux rides profondes barraient déjà son visage, des ailes du nez jusqu’au départ des joues. Il portait au creux du cou une petite tache noire de la taille d’une pièce de un penny.
    — La marque dans le cou, fit James, qu’est-ce que c’est ?
    — Elle est due à l’incision pratiquée au niveau de l’artère carotide pour y introduire le tube d’injection, répondit Archibald. C’est par là que, après avoir drainé près de deux litres de sang, nous perfusons une quantité équivalente de fluide dans le système
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