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Le sang des Dalton

Le sang des Dalton

Titel: Le sang des Dalton
Autoren: Ron Hansen
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fit plaider coupable eu égard au meurtre de George Cubine  – et comme il s’y attendait, le juge J. D. McCue, qui présidait le tribunal du comté de Montgomery, renonça à me poursuivre pour vol à main armée et pour les autres meurtres. En raison de ma relative jeunesse, Fritch prédisait une peine de dix à quinze ans d’emprisonnement, soit le minimum pour un meurtre sans préméditation, mais les Dalton étaient trop célèbres pour ça et je fus condamné à la réclusion à perpétuité au lugubre pénitencier d’État de Lansing, au Kansas, à mi-chemin de Kansas City et de Fort Leavenworth.
    J’avais vingt et un ans et je me déplaçais encore avec des béquilles quand j’ai pris possession en boitillant de ma cellule de prison puante et dégoûtante d’un mètre vingt sur deux mètres quarante. J’ai reçu un uniforme et un calot à rayures noires et blanches, ainsi qu’une formation de tailleur, dont j’ai encore de beaux restes, et j’ai consacré mes soirées à m’instruire, plongé dans des ouvrages difficiles empruntés à la bibliothèque et recopiant les mots que je ne connaissais pas, jusqu’à ce que je sois capable de comprendre chaque phrase. Je récurais les murs et le sol de ma cellule avec de l’ammoniaque et je veillais compulsivement à son bon ordre  – le rasoir de sûreté à côté du bol à raser, lui-même à côté de la brosse à cheveux à côté du broc. J’ai vécu la décennie de mes vingt ans et les premières années de la trentaine tel un stoïque, réservant la dernière heure de chaque journée à la lecture de la Bible, avec pour seule véritable distraction les lettres de Miss Eugenia Moore.
    Les messages que je lui envoyais étaient brefs  – deux ou trois phrases à propos de l’actualité du dehors, de la vie en prison, de ces si plaisantes soirées passées à fumer des cigarillos avec elle dans cette pièce tendue de couvertures du ranch de Big Jim Riley ; elle répondait par des lettres de neuf ou dix pages sur le passé, dans lesquelles elle consignait tout ce dont elle se souvenait. L’une d’elles se terminait ainsi : « Chaque fois, j’ai envie de te demander si tu te sens seul, si tu es malheureux, si tu as des regrets, mais ce sont des questions qui me paraissent si déprimantes que j’en ai un peu honte. Je suppose que tu sais ce que c’est la solitude, car moi, je l’éprouve. Je suis perdue sans ton frère Bob. J’ai l’impression d’être une maison à l’abandon. »
    Puis une de mes lettres est restée sans réponse, une autre m’a été retournée et je me suis dit qu’elle avait dû se lasser de moi, jusqu’à ce que j’apprenne qu’elle aussi était morte ; au milieu d’une tempête de neige, elle avait pénétré dans une banque de Wichita, au Kansas, et exigé du guichetier qu’il lui remette le tiroir-caisse. Elle avait réussi à prendre la fuite à cheval, mais elle avait été touchée par balle à moins de cinq kilomètres de la ville, comme le blizzard se levait. Et quand ses poursuivants l’avaient rejointe, elle était entièrement recouverte de blanc, à l’exception de la tache blonde de ses cheveux et de ses yeux marron grands ouverts dans lesquels fondaient des flocons.
    Ai-je jamais vraiment gobé cette histoire ? Elle m’apparaissait comme aussi peu vraisemblable que la tombe vide qu’elle avait fait creuser pour elle à Silver City et, bien que d’aucuns affirment que la véritable Florence Quick repose dans un cimetière du comté de Cass, dans le Missouri, je me la représente plutôt bien vivante, aujourd’hui encore, quelque part au Texas, où elle enseigne l’arithmétique à des enfants et est mariée à un serre-frein.
     
     
    Mes informations concernant le « gang Doolin-Dalton » sont tout aussi succinctes. On me raconta que mon frère Bill avait délaissé ses bouquins de droit et qu’avec Bill Doolin, Bitter Creek Newcomb et Pierce, il avait rassemblé l’une des plus grandes bandes qui ait jamais écumé l’Ouest. Début 1893, ils décidèrent de se faire connaître en dévalisant, comme nous l’avions fait, un train à Wharton  – mais Chris Madsen, Heck Thomas et Bill Tilghman se virent confier la direction de la battue, qui regroupait cent cinquante adjoints et le gang Doolin-Dalton ne survécut pas longtemps. Il se sépara en mars 1894 et mon frère partit errer au Texas, où il recruta une clique faite de bric et de broc, tandis que Doolin restait dans les
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