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Le sac du palais d'ete

Le sac du palais d'ete

Titel: Le sac du palais d'ete
Autoren: Jose Frèches
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ongles recourbés, preuve insigne exhibée par son heureux propriétaire que, contrairement au reste des gens, il ne touchait à rien d’autre qu’à des pinceaux, du papier et des sceaux. Mille fois depuis leurs retrouvailles, perdus jusqu’à l’épuisement des sens dans les bras l’un de l’autre, ils s’étaient mutuellement raconté leur histoire, émerveillés par la façon dont ils avaient chacun affronté tant de dangers et surmonté d’aussi nombreux obstacles sans jamais perdre l’espoir de se retrouver, tels des grimpeurs qui, par miracle, arrivent en même temps au sommet de la montagne après avoir emprunté des chemins éloignés.
    Elle se revit, arrivant à Canton avec ses parents, petite fille insouciante qui n’avait aucune idée du monstre marin par la gueule duquel elle allait être happée et qui venait de la rejeter enfin sur la grève après lui avoir fait traverser d’insondables océans hostiles.
    Neuf années s’étaient écoulées depuis qu’elle avait posé le pied pour la première fois sur la terre de Chine. Parce qu’il était le plus complet, le nombre « neuf » était celui de l’empereur, dont les palais comportaient toujours, pour cette raison, neuf cours successives qu’il fallait traverser avant d’arriver au « saint des saints »…
    Elle aussi, guidée par un Destin favorable, avait traversé neuf cours avant de retrouver La Pierre de Lune dont du sang impérial coulait dans les veines !
    Des quatre Clearstone à avoir débarqué en Chine, ce grand dragon qui se nourrissait des êtres en même temps qu’il les engendrait par millions, elle était la seule à demeurer saine et sauve. Non seulement elle y laissait sa mère, mais aussi Nash Stocklett, son vrai père. La cohorte des morts se mit à défiler, comme si, pour apaiser le grand dragon qui avait mangé ses parents mais, en échange, lui avait offert un mari, elle devait accomplir le rituel consistant à égrener le chapelet du souvenir de ceux qui n’étaient plus là…
    C’est alors que, transperçant le nuage de brume, l’image de son frère sur son lit de mort, refit soudain surface en lui portant un terrible coup. Comme sous le choc d’un réveil subit qui la ramenait à une réalité cruelle, elle étouffa un sanglot. Son époux, qui avait perçu son trouble, la prit par les épaules.
    —  Pourquoi pleures-tu   ?
    —  Ce n’est rien… juste le souvenir du départ de Joe vers le paradis. Et puis aussi la joie… souffla-t-elle tout en regardant Paul Éclat de Lune qui, fier et heureux de connaître enfin son père, ne le quittait pas d’une semelle.
    À la vue du gros navire qui allait le transporter jusqu’en Angleterre et semblait les attendre, l’enfant battait des mains et sautait comme un jeune cabri.
    Laura soupira longuement avant de frémir.
    —  J’aurais tant voulu que Joe revienne à Londres avec nous…
    —  Joe est au Ciel ! Là où il est, il est bien. Il repose en paix.
    —  Tu crois en Dieu   ? fit-elle, estomaquée, à l’écoute de ces locutions qui étaient employées par les pasteurs et les prêtres.
    Il lui sourit, tandis qu’il faisait descendre son doigt le long de l’arête de son nez puis sur sa bouche, avant de murmurer :
    —  Je crois en toi, ma Laura…
    À ce simple contact, elle sentit naître les premiers fourmillements du plaisir qu’elle avait éprouvé la nuit précédente, avec La Pierre de Lune. Comme chaque nuit depuis leurs retrouvailles, ils s’étaient plusieurs fois jetés dans les bras l’un de l’autre, vibrant à l’unisson, ivres du désir de ne plus faire qu’un dans la jouissance et affamés de prolonger celle-ci jusqu’au petit matin, tout à leur soif de rattraper le temps si long pendant lequel ils n’avaient pas fait l’amour. Pour rester maîtresse d’elle-même, la jeune Anglaise se raidit légèrement et serra très fort dans ses doigts son bouquet d’immortelles.
    C’était le lendemain de leurs retrouvailles, après une nuit passée à redécouvrir leurs corps, à en respirer tous les effluves et à en boire tous les sucs, que son mari le lui avait offert en lui assurant que leur amour était aussi immortel que ces fleurs longuement séchées au soleil.
    À quelques pas derrière eux et avec ce sens aigu de l’observation que lui valaient ses longues années de pratique journalistique, Bowles observait la joie de ces trois êtres que le Destin ou la Providence avait enfin réunis. Il avait tenu à
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