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Le sac du palais d'ete

Le sac du palais d'ete

Titel: Le sac du palais d'ete
Autoren: Jose Frèches
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Au jardin public. Il ne devrait pas tarder à rentrer…
    —  J’ai hâte de le voir…
    —  C’est fou ce qu’il te ressemble ! lâcha-t-elle après l’avoir longuement considéré.
    Tandis que Bowles s’éclipsait, ravi de ce qu’il avait constaté et bien décidé à croquer leurs bouillantes retrouvailles à peine serait-il rentré au bureau, Laura prit son époux par la main et le conduisit jusqu’à sa chambre et là, dès que la porte fut refermée, un bel élan sauvage ponctué par des halètements et des râles qui firent se dresser les cheveux sur la tête de leur logeuse les jeta goulûment l’un vers l’autre.

 
    70
     
    Shanghai 22 juin 1855
     
    Sous la chaleur accablante du deuxième jour d’été, les matelots du Commodore , un gros steamer quasi flambant neuf qui reliait pour la seconde fois Shanghai à Londres, via Hongkong et Macao, achevaient de laver son pont supérieur à grande eau. À peine les hommes en bleu avaient-ils renversé leurs lourds baquets d’eau qu’elle s’évaporait à vue d’œil, ce qui les dispensait de pousser la serpillière.
    Du haut de la passerelle de commandement du navire, l’officier de quart ajusta un porte-voix devant sa bouche et se mit à crier :
    —  Mesdames et messieurs les passagers sont priés de monter à bord. Si tout va bien, le Commodore part dans une demi-heure !
    Le départ du Commodore étant le seul prévu pour la journée, sur le port, après l’agitation habituelle consécutive au chargement des gros vaisseaux en partance pour l’Europe, un calme étrange régnait, à peine troublé par le cri strident des mouettes. Non loin des quais moussus et à certains endroits comme effondrés sous le poids des marchandises entassées, les coolies écrasés par la moiteur ambiante s’étaient repliés à l’ombre des hangars. Certains somnolaient, collés les uns aux autres, d’autres jouaient au mah-jong ou tout simplement rêvassaient, le regard perdu vers l’horizon d’un improbable eldorado qu’ils n’atteindraient jamais. Quant aux mendiants d’ordinaire agglutinés sur les quais pour ramasser les miettes qui, forcément, tombaient de ces vaisseaux bourrés à craquer, ils en avaient été repoussés par la police portuaire en raison de l’arrivée d’une délégation mandarinale venue de la cour impériale inspecter le bon fonctionnement de la douane.
    Dans sa robe blanche au col ourlé de crochet de satin qui dégageait son cou et mettait en valeur sa longue chevelure, Laura Clearstone, qui tenait à la main un bouquet d’immortelles séchées mauves et jaunes, resplendissait. À ses côtés, La Pierre de Lune, en costume de coupe occidentale, paraissait n’avoir jamais été vêtu qu’à l’européenne. Sous ses nouveaux habits, le sang caucasien qui coulait dans ses veines semblait avoir éclipsé le sang mandchou. On l’eût aisément pris pour un dirigeant d’une florissante compagnie de commerce occidentale ou encore pour l’ambassadeur d’une grande puissance. À quelques mètres de ses parents, Paul Éclat de Lune gambadait en riant, comme tous les enfants du monde qui se font une joie d’essayer un nouveau jouet.
    En tout état de cause, qui ne connaissait pas l’incroyable histoire de ces deux êtres eût à coup sûr pensé qu’il s’agissait d’un de ces rares et heureux couples britanniques qui repartaient de Chine, non pas complètement ruinés, mais après y avoir amassé le pécule qui leur permettrait d’acheter un joli cottage dans le Yorkshire ou au pays de Galles où ils pourraient s’installer comme rentiers jusqu’à la fin de leurs jours.
    À la vue du bateau à quai, imposante masse métallique d’une blancheur étincelante, émergeant sans peine au milieu du fouillis crasseux des jonques de pêche aux voiles à moitié affalées, le cœur de la fille de Barbara Clearstone et de Nash Stocklett se serra, sous l’effet de la sensation de clore un chapitre du livre de sa vie et d’en ouvrir un autre, fait de bonheur et de joie.
    Pour bien se persuader qu’elle n’était pas dans un rêve, elle étreignit un peu plus fort la main de La Pierre de Lune. Avec sa paume tiède et légèrement sèche, presque rugueuse, c’était en tous points une main rassurante, la main d’un homme qui avait bourlingué et effectué quantité de travaux pénibles pour survivre, le contraire de la main d’un intellectuel, reconnaissable à sa peau diaphane, à ses doigts effilés et à ses longs
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