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Le Roi de l'hiver

Le Roi de l'hiver

Titel: Le Roi de l'hiver
Autoren: Bernard Cornwell
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nommée nourrice de Mordred et,
malgré son pied bot, le prince profita de son lait. Même la santé de Norwenna
s’améliora lorsque le temps se fit moins froid et qu’au pied du Tor, près de la
source sacrée, les premières chutes de neige de l’hiver firent monter la sève
des aubépines. La princesse ne fut jamais bien vaillante, mais Morgane et
Gwendoline lui donnèrent des herbes et elle sembla se remettre enfin de
l’épreuve de l’accouchement. Chaque semaine, un messager portait des nouvelles
de l’Edling à son grand-père, le Grand Roi, et chaque bonne nouvelle était
récompensée d’une pièce d’or, voire d’une corne de sel ou d’une flasque de vin
rare que Druidan chapardait.
    Nous
attendions le retour de Merlin, mais il ne revenait pas, et le Tor paraissait
désert sans lui, bien que notre vie quotidienne ne changeât guère. Il fallait
continuer à garnir les entrepôts, tuer les rats et, trois fois par jour, monter
du bois et de l’eau de source. Gudovan, le scribe de Merlin, tenait le compte
de ce que versaient les fermiers et Hywel, l’intendant, parcourait les terres
pour s’assurer qu’aucune famille ne volait le seigneur absent. Gudovan et Hywel
étaient tous deux des hommes posés, travailleurs et durs à cuire  –
preuve, me dit Nimue, que les excentricités de Merlin cessaient où commençait
son revenu. C’est Gudovan qui m’avait appris à lire et à écrire. Je n’avais
aucune envie de me livrer à ces études fort peu guerrières, mais Nimue avait
insisté.
    « Tu es
orphelin et il te faudra te frayer un chemin par tes propres moyens.
    — Je veux
être soldat.
    — Tu le
seras, me promit-elle, mais pas tant que tu ne sauras lire et
écrire ! »
    Et telle était
sa juvénile autorité sur moi que je la crus, et j’appris le métier de clerc
bien avant de découvrir qu’un soldat n’en avait que faire.
    Ainsi Gudovan
m’apprit-il les lettres et Hywel, l’intendant, m’apprit à me battre. Il
m’exerça à la canne, ce gourdin de rustaud qui peut briser un crâne mais que
l’on peut aussi manier comme une épée ou une lance. Avant de perdre une jambe
sous une hache de Saxon, Hywel avait été un guerrier de renom dans la bande
d’Uther, et il m’entraîna jusqu’à ce que mes bras fussent assez forts pour
manier un gros sabre aussi prestement qu’une massue. La plupart des guerriers,
prétendait Hywel, comptaient sur la force brute et la boisson, plutôt que sur
la dextérité. Il m’avertit que je devrais affronter des hommes titubant sous
l’effet de l’hydromel et de la bière, et dont le seul talent était d’assener
des coups susceptibles de tuer un bœuf, mais un homme sobre, sachant les neuf
coups, pouvait toujours venir à bout d’une brute épaisse avec son épée.
« J’étais ivre, reconnut-il, lorsque Octha le Saxon m’a taillé la jambe.
Maintenant, mon gaillard, plus vite, plus vite ! Ton épée doit les
éblouir ! Plus vite ! » Il fut un bon maître, et les premiers à
s’en apercevoir furent les fils des moines d’Ynys Wydryn. Ils s’offensaient de
nos privilèges : nous paressions quand ils trimaient, nous musardions
quand ils peinaient et, histoire de se venger, ils nous coursaient pour essayer
de nous rosser. Un jour, je me rendis au village armé de mon gourdin et en
assommai trois de sang chrétien. J’ai toujours été grand pour mon âge et les
Dieux m’ont fait fort comme un bœuf, et c’est à leur honneur que j’attribuai ma
victoire, alors même qu’Hywel m’en avait fustigé. Les privilégiés, me
sermonna-t-il, ne devaient jamais abuser de leurs inférieurs, mais je crois qu’il
en fut tout de même content, car le lendemain il m’emmena chasser et je tuai
mon premier sanglier avec une lance d’homme. C’était dans un fourré
brumailleux, non loin du Carn, et j’avais tout juste douze printemps. Hywel me
barbouilla la figure du sang de la bête, me donna ses dagues à porter en
collier, puis transporta la dépouille jusqu’à son Temple de Mithra, où il
offrit un banquet à tous les vieux guerriers qui adoraient ce Dieu des soldats.
Il ne me fut pas permis d’être des leurs, mais un jour, me promit Hywel,
lorsque ma barbe aurait poussé et que j’aurais abattu mon premier Saxon au
combat, il m’initierait aux mystères mithriaques.
    Trois ans plus
tard, je rêvais encore d’occire des Saxons. D’aucuns trouvaient sans doute
curieux que moi, un jeune Saxon à la chevelure de Saxon, je
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