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Le rêve de Marigny

Le rêve de Marigny

Titel: Le rêve de Marigny
Autoren: Monique Demagny
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l’abbé Terray.
    « Voilà l’abbé qui rit. Quelqu’un a-t-il eu un malheur ? »
    C’était peu de dire que le personnage n’était agréable ni à voir, ni à entendre, et mieux valait ne pas avoir besoin de lui. Personne ne se souvenait avoir reçu de lui autre chose que des mauvais coups. De haute taille, il marchait toujours courbé, lançant à la dérobée un regard fourbe sur ceux qu’il croisait sans les saluer, sauf à les apostropher avec grossièreté. Il riait peu, on l’avait bien remarqué, et ce rire très rare était toujours caustique. Se croyant supérieur à tous et à chacun ilpromenait dans les galeries de Versailles une insupportable suffisance. Aucune tâche ne le rebutait quand il s’agissait de nuire. Les finances ? Il suffisait d’imposer plus et de dépenser moins. Point besoin d’être habile financier pour trouver la recette ! La seule virtuosité qu’on lui connaissait était le machiavélisme qu’il avait déployé pour arriver là où son défaut de compétences ne lui permettait pas d’accéder. Dépourvu des grâces de l’esprit, de celles du cœur puisqu’il n’en avait pas, sans aucun don de séduction tant ses manières étaient disgracieuses, son esprit grossier, sa conversation vide, il avait pourtant résolu d’arriver par les femmes. Démarche osée pour ce personnage déplaisant. Son raisonnement était simple, le roi aimait les femmes, les femmes étaient donc le seul moyen d’approcher le roi. Il avait dans ce but longtemps été le courtisan de la marquise de Pompadour qui lui avait fait sa place à Versailles, et les temps étant changés, reniant sa première protectrice, il s’abritait maintenant dans les jupons de la Dubarry. Il était évident qu’il allait tout faire pour éliminer de la cour le frère de l’ancienne maîtresse, honni de la nouvelle. Le moyen était tout trouvé : couper les vivres à une administration déjà exsangue. Marigny n’avait plus qu’à se battre, mais les dés étant pipés c’était sans grand espoir de gagner.

    Le 13 avril 1772, Marigny tenta encore de fléchir Terray qui lui refusait tout financement. Il lui rappela que les fonds normalement alloués aux Bâtiments n’étaient plus payés. En 1771 la moitié des crédits de l’année 1766 n’avait pas encore été versée. Il n’étaitdonc plus possible d’entretenir les Bâtiments du Roi. Il s’en plaignait dans ses conversations amicales avec Cochin. À qui d’autre pouvait-il en parler ?
    — Je ne peux même pas entreprendre des réparations ordonnées depuis dix ans !
    — Ce n’est sans doute pas avec l’abbé Terray que les choses s’arrangeront.
    — Ce ne sont plus seulement les demeures royales qui sont en ruine. Les forêts et les routes qui y mènent sont dans un délabrement qu’on ne peut imaginer.
    Cochin ne voyait rien à répliquer, il le savait. Marigny continuait sa litanie et Cochin comprenait à quel point il en avait le cœur gros. Il y mêlait tout puisque la ruine était partout.
    — Les Gobelins, la Savonnerie, les pépinières, l’orangerie, les aqueducs, les fontaines, les jardins, tout va à vau-l’eau. On ne paye plus les employés, les garagistes, les journaliers depuis quatre ou cinq années. Des difficultés insurmontables peuvent survenir, tous les départements sont en danger. Il faudra bien intervenir quand une catastrophe se produira !

    L’avertissement était prémonitoire. Quelques jours plus tard, l’aqueduc de Versailles céda et les environs furent submergés. Terray ne bougea pas. Le roi détourna les yeux pour ne pas voir la ruine des Bâtiments, mais conscient de la douleur qu’il infligeait à son Directeur il le combla encore de bienfaits et d’honneurs. Les Bâtiments ? Le jeu se jouait ailleurs. Terray en avait voulu la direction et il lui était égal de ruiner Versailles, Paris, et plus encore, plutôt que de voir la place lui échapper.Le clan Dubarry avait tenu sa partie dans la machination. Les parents de la nouvelle favorite, ou tout au moins de l’époux qu’on lui avait trouvé, avaient un raisonnement imparable. Du temps de la Pompadour on avait donné les Bâtiments à son frère, du temps de la Dubarry les Bâtiments devaient revenir à sa famille. Il ne restait à la favorite que d’encourager le roi à confier les Bâtiments à Terray pour avoir la paix. La nouvelle favorite trouva un argument étonnant de simplicité et le plus stupéfiant fut que le roi
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