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Le règne des lions

Le règne des lions

Titel: Le règne des lions
Autoren: Mireille Calmel
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boucles sauvages en un chignon bas sur lequel vint se poser le fin voile de mollequin. Un diadème orné de rubis acheva la parure. Dans ce silence chargé d’émotion, Agnès s’observa un instant, avec ses naturelles roseurs aux pommettes, sa bouche charnue et colorée, ses cils épais, puis se tourna vers nous, définitivement acceptée dans cette lumière que ses sentiments pour Geoffroy, bien plus que le reste, rendaient unique.
    Mon cœur s’étrangla de fierté et de joie. Je la pressai contre moi avec délicatesse pour ne rien froisser, puis sa mère à son tour. Alors, seulement, passant ses poignets dans le creux de nos coudes offerts, Agnès d’Angoulême s’accorda à quitter cette chambre mise à sa disposition pour marcher vers demain. En toute confiance.
     
    Geoffroy n’était pas moins nerveux, qui l’attendait en la vaste salle de réception du castel. Nombre de nos amis, vassaux d’Aliénor, voisins, avaient répondu à l’invitation, tandis qu’aux alentours, sous les murailles d’enceinte de la ville haute et jusqu’en lisière du fleuve, une foule dense se pressait aux cris de « Noël ». Notre fils n’étant pas moins aimé que son père, tous, des prélats aux notables, des artisans aux vilains, se réjouissaient. Le mariage devait durer deux jours. Deux jours de divertissements et de bonne chère que l’on avait prévu de distribuer aux portes des abbayes Saint-Romain et Saint-Sauveur quand partout dans les rues qu’elles embaumaient des jonchées de fleurs fraîches s’épanouissaient comme autant de subtils bouquets.
    Lorsque la double porte s’ouvrit enfin sur sa promise, que son père Guillaume d’Angoulême avait reprise à son bras, Geoffroy sembla manquer de souffle. Pour ajouter encore, dans un coin de la pièce où les proches se tenaient, Richard s’était mis à jouer de la harpe. Une mélodie aussi douce que le regard d’Agnès, aussi subtile que ses traits, aussi avenante que son pas. Aussi belle qu’elle l’était. Je suivais son avancée dans l’œil de mon fils, partageant avec lui l’intensité de ce moment avec le sentiment étrange qu’une page de ma vie se tournait. Qu’une nouvelle était à écrire. J’étais bien, entre le bonheur et la nostalgie, pénétrée d’images d’hier qui le voyaient en cette même pièce essayer ses premiers pas, ses premières sottises ou révoltes. Et tout à la fois à l’affut de toutes les secondes présentes comme si, à elles seules, elles pouvaient justifier, lier toutes les précédentes. Comme si, somme toute, je ne l’avais mis au monde que pour cet instant-là. La passation de pouvoir. La passation d’amour. En appartenant à une autre, il cessait d’être à moi et tout à la fois m’était plus cher, plus proche encore. Avec ce simple constat, comme je l’avais fait hier en forêt de Brocéliande, lorsque Merlin avait intronisé Eloïn aux savoirs druidiques : je les aimais. Plus que tout. Je les aimais de ce qu’ils étaient devenus, de leur beauté intérieure et extérieure. Je les aimais parce qu’ils me réconciliaient avec cette petite fille d’hier que j’avais tant haïe avant d’admettre le fardeau du destin. Cette petite fille que j’avais portée à bout de bras dans ses méandres avant d’accepter dans la tendresse de Jaufré d’en faire une femme. Une mère.
    — Moi, Geoffroy Rudel, prince de Blaye par la volonté de mon père et de la duchesse Aliénor ci-présente, je vous prends, vous, Agnès d’Angoulême, pour épouse, devant témoins et jusqu’à ce que la mort nous sépare, trembla la voix de Geoffroy.
    Il avait pris ses mains, noué son regard au sien et m’offrait, nous offrait leurs profils ravagés d’émotion. Un sillon glissait, silencieux, sur la joue d’Agnès, malgré ce sourire qui lui remontait jusqu’à l’oreille. La harpe s’était tue et seul mon cœur jouait encore du tambourin. Des doigts cherchèrent les miens. J’en connaissais chaque jointure, chaque fragment de peau. Jaufré m’avait rejointe dans une fragrance de fleur de lys. Il s’accola silencieusement à mon flanc, semblant me dire : « Tu te souviens ? »
    Oui, je me souvenais. De mes doutes, de mes renoncements, de mes peurs, de mes rires, de mes larmes. Je me souvenais des jours avant lui, des jours sans lui, et de chaque seconde avec lui. Je me souvenais de ce serment échangé devant Merlin puis devant les hommes.
    — Moi, Agnès d’Angoulême, je vous prends,
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