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Le prix du secret

Le prix du secret

Titel: Le prix du secret
Autoren: Fiona Buckley
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vendraient leur âme pour captiver autant ! Avant même qu’il finisse, la moitié des clients se battaient pour lui payer à boire.
    Il marqua une pause pour attiser ma curiosité.
    — Eh bien, continuez !
    — Apparemment, poursuivit Jenkinson, il avait levé les voiles avec des passagers : un docteur en théologie nommé Ignatius Wilkins, accompagné de ses trois serviteurs, et deux respectables marchands vénitiens…
    — Non ?
    — Si ! Mais bien qu’il fût parti avec six passagers, à l’arrivée il n’en avait plus que trois. Allez-y, Ryder, c’est votre histoire. Moi, c’est de vous que je la tiens !
    — Il semble, madame, qu’un beau matin, le docteur et les deux marchands ne vinrent pas prendre le déjeuner chez le commandant. Il envoya des matelots voir s’ils étaient souffrants, et les hommes revinrent en disant que tous trois avaient disparu. La cabine que partageaient les marchands était vide – il n’y avait même plus leurs effets. Le docteur disposait d’une cabine privée. Là, tout était sens dessus dessous, comme après une lutte. Pas de traces de sang, mais les affaires éparses et les draps en bataille. Ce n’est pas tout. Un des canots de sauvetage manquait aussi. Le navire croisait très près d’Ostende. Le capitaine accosta afin de se renseigner. Il n’apprit pas grand-chose, hormis que deux hommes ressemblant aux Vénitiens avaient pris leur repas dans une hostellerie de la ville. Ils étaient seuls. Pourtant, vu l’état de la cabine, le docteur n’était pas parti de son plein gré. Le capitaine pense qu’il n’a jamais atteint le rivage.
    — Et nous aussi, reprit Jenkinson. Il a mentionné en passant le nom des marchands : le Signor Bruni et le Signor Morelli.
    — Je comprends, dis-je. Excusez-moi un instant.
    J’entrai sans bruit dans ma chambre, où Dale s’était endormie. Brockley me sourit de l’autre côté du lit.
    — Elle se remettra, après quelques jours de bonne nourriture et de repos. On lui donnait à manger et on l’avait installée dans une meilleure cellule, toutefois elle avait trop peur pour dormir ou se nourrir.
    Elle avait eu toutes les raisons d’avoir peur. Connaissant le sort auquel Wilkins la destinait, je ne pouvais le prendre en pitié.
    Mais je savais ce qui s’était passé, aussi clairement que si j’en avais été témoin. Bruni et Morelli s’étaient introduits dans sa cabine pendant la nuit. Il avait résisté, d’où le désordre indescriptible, mais ils l’avaient vite maîtrisé. S’ils l’avaient appelé « Jenkinson », ils ne lui avaient pas laissé le loisir de protester, sans doute en le bâillonnant. Et s’il avait de la chance, ils l’avaient occis sur-le-champ. Mais ces deux-là étaient cruels. Selon toute vraisemblance, ils s’étaient contentés d’étouffer ses cris avant de le traîner au-dehors et de le précipiter par-dessus bord.
    Mourir noyé est une fin plus douce, beaucoup plus douce, que de périr sur le bûcher. Mais il n’était guère plaisant de l’imaginer se débattre, suffocant, dans l’onde amère tandis que le navire s’éloignait sous le ciel étoilé. Peut-être avait-il nagé frénétiquement derrière, sachant qu’il ne pourrait jamais le rattraper. Sachant que son Dieu resterait sourd à ses prières, qu’il allait sombrer, seul, sous les flots, et que cette nuit-là serait pour lui la dernière.
    Une fois encore, j’avais provoqué la mort d’un homme. Dans les mêmes circonstances, je n’eusse pas hésité à recommencer car c’était ma Dale qui comptait, et les autres innocents qui pourraient désormais vivre parce que Wilkins n’était plus. Néanmoins, c’était difficile à accepter, difficile de me résoudre enfin à ce que cela fasse partie de moi.
    Sachant qu’il le fallait pourtant, je décidai de commencer sans tarder.
    — Dale ? dis-je d’un ton résolument enjoué. Vous sentez-vous la force de manger encore un peu ? C’est presque l’heure du souper.
     
    Wilkins avait constitué un obstacle beaucoup plus grand, entre Matthew et moi, que je n’en avais eu conscience avant d’apprendre sa mort. Désormais, je ne le reverrais plus excepté dans mes cauchemars ; il devenait donc possible de penser à rester en France.
    Malgré la guerre, j’étais mariée à un Français et son pays devait devenir le mien. Je ne pouvais envoyer chercher Meg avant que la paix revienne ; non, bien sûr que non. Mais… retourner en
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