Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le prix du sang

Le prix du sang

Titel: Le prix du sang
Autoren: Jean-Pierre Charland
Vom Netzwerk:
prétendaient qu’Alfred préférait les charmes masculins à ceux des femmes? Et toi, tu refusais et tu refuses toujours de te trouver en présence de Thomas Picard. Je n’ai pas été long à tirer des conclusions.
    Marie se tourna à nouveau vers le fleuve, songeuse. La passerelle d’embarquement se détachait maintenant du flanc du navire, les lourdes portes de fer se fermeraient bientôt.
    â€” Thalie est la fille d’Alfred.
    â€” Je n’en doute pas. Les écoliers stupides et méchants ne soupçonnaient pas ses goûts éclectiques.
    â€” Ton véritable père, c’est celui qui t’a aimé avant même ta naissance et qui, encore aujourd’hui, se ferait tuer pour toi.
    Mathieu lui adressa un sourire, avant de convenir, en reprenant son bras sous le sien :
    â€” De cela non plus, je ne doute pas du tout. C’est pour cela que mon attitude à son égard n’a changé en rien depuis que j’ai deviné. Mais je préfère que tu saches que ce secret n’en est plus un pour moi. Les choses seront plus simples.
    Un long silence s’installa entre eux. La fin du mois de mai se révélait très douce, les rives du Saint-Laurent se drapaient de vert tendre.
    â€” Tu… ne m’en veux pas? demanda-t-elle d’une voix hésitante.
    â€” Pourquoi? Cependant, je n’ai pas beaucoup de sympathie pour l’homme qui t’a fait cela. Tu avais à peu près l’âge que j’ai aujourd’hui…
    Au pied de la falaise, l’ Empress of Ireland se détacha lentement du quai alors qu’un coup de sifflet retentissait dans un nuage de vapeur blanche.
    â€” Au revoir Alfred, prononça Mathieu en esquissant un geste de la main.
    Le jour : 28 mai 1914; le moment : quatre heures vingt de l’après-midi. Le navire prenait la route de Liverpool avec mille quatre cent soixante-dix-sept personnes à bord.
    * * *
    Le lendemain matin, Mathieu Picard se leva un peu en retard. Quelques minutes lui suffirent pour revêtir son uniforme de collégien. Lorsqu’il passa près de la salle à manger, ce fut pour voir sa mère qui lui tournait le dos. Ses épaules semblaient secouées de spasmes muets.
    â€” Maman, qu’est-ce… commença-t-il en pénétrant dans la pièce.
    Ses yeux se posèrent alors sur le grand titre de la première page du Soleil . Il prit le journal pour lire l’en-tête de l’article.
    Â 
    L’ Empress of Ireland sombre. Près de mille morts.
    Le somptueux paquebot du C.P.R. a été frappé la nuit dernière, en plein brouillard, par le charbonnier Storstad , à trente milles de Pointe-aux-Pères et a coulé en moins de dix minutes.
    Â 
    â€” Il y a plus de quatre cents survivants, plaida-t-il en posant ses deux mains sur les épaules de Marie.
    Celle-ci leva ses yeux mouillés vers son fils pour dire :
    â€” Son nom ne figure pas sur la liste donnée dans le journal.
    â€” Une liste encore très incomplète. Comme pour le Titanic , les morts doivent être des pauvres entassés à fond de cale dans les couchettes de troisième classe.
    â€” Il y avait cinq cents passagers de troisième classe à bord. Le nombre des victimes dépasse le millier.
    Mathieu se pencha pour entourer les épaules de sa mère de son bras droit, la serra contre lui, puis lui dit doucement :
    â€” Quand tu seras prête, nous irons aux bureaux du Canadien Pacifique. Je vais annoncer la nouvelle à Thalie. Elle est encore dans sa chambre?
    Déjà, il assumait le rôle de chef de la maisonnée. La femme fit un signe d’assentiment avant de bredouiller un « merci » inaudible.
    * * *
    Ã€ l’extrémité du corridor divisant le logement familial en deux, Mathieu demeura un long instant immobile. À sa droite se trouvaient la chambre de son père et la sienne, à sa gauche celles de sa mère et de sa sœur. Cet arrangement domestique trahissait la vraie nature des rapports au sein du couple formé par ses parents : une profonde affection, des enfants en commun et une intimité sexuelle ayant été à la fois tendre, peu fébrile, et surtout, fort éphémère. Juste assez longue, en fait, pour concevoir un petit bout de femme jolie comme sa mère et fantasque comme son père.
    Le grand collégien, promu
Vom Netzwerk:

Weitere Kostenlose Bücher