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Le prix de l'hérésie

Le prix de l'hérésie

Titel: Le prix de l'hérésie
Autoren: S.J. Parris
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était avide de connaissance… une
qualité rare chez les femmes bien nées, comme je l’ai découvert.
    — Et belle ? demanda Sidney, les yeux brillants.
    — Exquise. »
    Je me mordis la lèvre au souvenir des yeux bleus de Morgana,
de sa manière de me cajoler et de me faire rire lorsqu’elle me trouvait trop
mélancolique.
    « Je la courtisais en secret, mais j’ai toujours su que
ça ne durerait pas, je crois. Son père voulait qu’elle épouse un aristocrate
huguenot, pas un fugitif italien. Même quand je suis devenu professeur de
philosophie à l’université de Toulouse et que j’ai enfin eu des moyens de
subsistance corrects, il n’a pas voulu donner son consentement, et il a menacé d’user
de son influence en ville pour ruiner ma réputation.
    — Que s’est-il passé ?
    — Elle m’a supplié de fuir avec elle, répondis-je en
soupirant. Je me suis presque laissé persuader, mais au fond de mon cœur je
savais que l’avenir n’aurait pas ressemblé à ce que nous espérions. Alors, une
nuit, je suis parti à Paris, où j’ai mis toute mon énergie à écrire et à me
faire une place à la Cour. Mais j’ai souvent repensé à la vie que j’ai
délaissée, en me demandant où j’en serais aujourd’hui. »
    Ma voix se perdit au loin et je baissai les yeux, abîmé dans
mes souvenirs.
    « Ma foi, tu ne serais pas ici avec nous, mon ami, me
réconforta Sidney. D’ailleurs, elle est sans doute mariée à un vieux duc à
l’heure qu’il est.
    — Ce serait le cas si elle n’était pas morte, répondis-je
sombrement. Son père avait arrangé un mariage avec l’un de ses amis mais elle a
eu un accident juste après les noces. Noyée. Son frère me l’a appris dans une
lettre.
    — Tu crois qu’elle l’a cherché ? demanda Sidney en
écarquillant les yeux.
    — Je ne saurai jamais, je suppose. »
    Le silence s’abattit entre nous et mon regard se posa sur le
fleuve.
    « Désolé pour toi, mon ami, dit Sidney après un moment.
Mais j’imagine que les femmes de la cour du roi Henri ont dû t’apporter ton lot
de distractions, non ? »
    Je l’observai un instant en me demandant si la noblesse
anglaise était aussi peu encline au sentiment qu’elle le prétendait, ou si elle
avait développé ces manières pour éviter toute démonstration d’émotion.
    « Oh oui, les femmes étaient très belles, certainement,
et assez heureuses au départ d’offrir leurs attentions, mais je me suis aperçu
que par malheur elles manquaient de conversation, répondis-je en me forçant à
sourire. Et de leur côté, elles se sont aperçues que par malheur je manquais de
fortune et de titres, ce qui est un empêchement à toute liaison sérieuse.
    — Ah çà, Bruno ! répliqua Sidney avec
consternation. Tu t’exposes à des déconvenues si tu recherches les femmes pour
leur conversation. Suis mon conseil. Affûte ton esprit en compagnie des hommes,
et ne te tourne vers les femmes que pour te consoler agréablement de la
vie. »
    Il m’adressa un clin d’œil et un large sourire.
    « Bon, il faut que je veille à l’organisation ou nous
ne partirons jamais. Nous sommes attendus à dîner au palais de Windsor ce soir.
On dit qu’il y aura de la tempête cette nuit. La reine ne sera pas présente,
naturellement. J’ai bien peur qu’il ne nous incombe de divertir le palatin
jusqu’à ce que nous arrivions à Oxford, Bruno. Arme-toi de courage et demande à
ton âme universelle de t’accorder la patience nécessaire. »
     
    « Je ne voudrais pas avoir l’air de me flatter, mais
mes amis me considèrent comme un poète », disait le palatin Laski de sa
voix aiguë qui donnait l’impression qu’il exprimait constamment des griefs.
    Le bateau approchait de Hampton Court.
    « J’avais dans l’idée que si nous nous ennuyions des
débats à l’université, vous et moi, nous pourrions consacrer une partie de
notre séjour à Oxford à nous faire la lecture et à échanger des conseils, entre
versificateurs. Qu’en dites-vous ?
    — Alors nous devons inclure Bruno dans nos discussions,
répondit Sidney en m’adressant un sourire de connivence. Car outre ses livres
érudits, il a écrit une comédie en vers, n’est-ce pas, Bruno ? Comment
s’appelait-elle ?
    —  Le Chandelier  », marmonnai-je avant de
leur tourner le dos pour contempler la vue.
    J’avais dédicacé la pièce à Morgana et elle demeurait
associée à son souvenir.
    « Je n’en ai jamais
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